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universel, sont répandus dans le Gard et dans le département de l’Hérault. On rencontre aussi dans le Gard[1] un certain nombre de quakers, auxquels leurs frères anglais témoignent un intérêt particulier et qu’ils viennent souvent visiter. Sans affecter la rigidité de principes et de manières des quakers de la Grande-Bretagne et de l’Amérique du Nord, ceux de la France se font remarquer par leurs mœurs douces, humbles et modestes, et par leurs habitudes laborieuses, économes et pacifiques.

On compte en France plus de 5,000 anabaptistes, répartis dans les départemens de l’Aisne (150), du Doubs (350), du Jura, de la Meuse (240), de la Meurthe (1,219), de la Moselle (353), du Bas-Rhin (353), du Haut-Rhin (1,898), de la Haute-Saône (43), de la Somme (100), et des Vosges (400). On sait que l’origine de cette secte remonte au XVIe siècle, et qu’elle apporta le trouble en Westphalie et en Hollande ; mais les anabaptistes, si turbulens, si factieux à l’époque de la réformation, sont devenus très paisibles à la voix de leur nouveau chef, Memno, homme éloquent, d’un caractère doux, d’un génie bienfaisant, dont ils prirent même le nom. Beaucoup de débris des memnonites sont passés en Suisse, et la plupart de ceux qui vivent aujourd’hui en France descendent des réfugiés qui quittèrent le canton de Berne au commencement du XVIIIe siècle. Ils se font, dit-on, remarquer par l’amour du travail, de l’ordre et de la paix. Il en est peu qui exercent une profession. L’agriculture et l’éducation du bétail sont l’objet principal de leurs occupations. De mœurs faciles et bienveillantes, hospitalières et charitables, fidèles à leurs engagemens, les anabaptistes paraissent fort rarement devant les tribunaux. Leur sobriété est exemplaire et leur probité proverbiale. Ils habitent de préférence les hameaux, les fermes, les maisons isolées dans les campagnes. Ils vivent et s’unissent entre eux. On voit dans cette secte très peu de mariages mixtes. Les anabaptistes tiennent à ne pas changer la forme de leur vêtement, qu’ils disent être celui des apôtres. Leur coutume est de laisser croître la barbe, de porter un chapeau rabattu, un habit carré, large, sans boutons, et des souliers attachés avec des courroies. L’usage des bagues, des colliers, en un mot de toute espèce de bijou, est interdit aux femmes.

  1. Une petite commune du département du Gard, dont la population est à peine de 1,000 âmes, Cougéniès, autrefois Congeries, nom latin qui répond encore à son état actuel, offre la réunion curieuse des cultes divers qui se partagent ces contrées. On y voit ensemble 735 protestons réformés, 182 catholiques romains, 52 méthodistes et 41 quakers. Le temple des protestans a été bâti par eux-mêmes en 1818 ; soixante jours suffirent pour élever un édifice qui peut contenir 2,000 personnes. Les quakers, ne voulant pas rester en arrière, se cotisèrent à leur tour et eurent aussi leur temple. L’église catholique avait été construite, après la révocation de l’édit de Nantes, avec les pierres, dit-on, du temple des réformés, qui était démoli. L’ordre et la concorde paraissent régner au milieu de ces populations séparées par les croyances, rapprochées par les habitudes, les intérêts et le besoin de la tolérance mutuelle.