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carriers aux quais d’un bassin à flot qui n’est pas moins nécessaire pour l’économie et la rapidité des chargemens que pour la sûreté de nombreux navires. La place de ce bassin est marquée par la lagune fiévreuse qui, vestige presque effacé du port romain, désole chaque automne par ses effluves la population voisine. Pour le moment, il conviendrait d’élargir l’échouage par l’enlèvement des roches à fleur de plage qui le garnissent au sud et d’en augmenter la sûreté en fortifiant la digue naturelle de la Houssaye. Chacune de ces dépenses serait très faible comparativement à l’avantage produit.

Le port d’Erquy est le seul point par où le gisement de grès soit attaquable. Si l’exploitation se développait beaucoup, elle tenterait probablement d’élire un second champ sur la plage sablonneuse des Bouches d’Erquy. Ouverte au nord, à mi-chemin du port au cap Fréhel, la plage s’enfonce entre les escarpes du grès et sert de refuge aux bateaux de pêche du village des Hôpitaux. Trois petits ruisseaux se déchargent au fond, et sans doute il ne serait pas impossible de contraindre leurs eaux réunies à creuser dans les sables sur lesquels elles divaguent un chenal praticable. En attendant cet avenir, les Bouches d’Erquy n’offrent au présent que des dunes à revêtir de bois et quelques hectares de bonne terre à endiguer.

Le bon marché des subsistances est une des conditions essentielles de l’établissement des industries qui occupent beaucoup de bras. Erquy est, sous ce rapport, un des points les plus favorisés de la côte de Bretagne. Si l’équilibre actuel entre les ressources et les besoins était troublé par la survenance d’une nombreuse colonie d’ouvriers, il serait facilement rétabli par le défrichement de 1,547 hectares de terres incultes qui s’étendent du cap d’Erquy au cap Fréhel. Les empiétemens commis par quelques riverains sur la partie communale de ces terres prouvent suffisamment combien elles sont susceptibles de devenir productives. Il ne manque, pour les féconder, que de la chaux, et les bâtimens employés à l’exportation du grès pourraient rapporter plus de pierre calcaire que n’en réclamerait l’amendement de toutes les terres du rivage adjacent.

Voilà le périple de la baie terminé. La ligne droite du cap Fréhel à Bréhat, au sud de laquelle elle s’ouvre, est plusieurs fois coupée par les festons d’une ligne de niveau, en dedans de laquelle la profondeur est inférieure à vingt brasses, et va diminuant presque régulièrement jusqu’à la côte. Cette ligne, facile à reconnaître, à la sonde, n’est guère franchie que par les bâtimens obligés par leur destination à braver les écueils dont la baie est semée. Parmi ces écueils, les plus nombreux hérissent les avenues des ports, et la périlleuse nécessité de les ranger de près pour accoster la terre est singulièrement aggravée, pendant une partie de l’année, par le fâcheux établissement des marées.