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prospérité du bourg témoigne que leurs sacrifices n’ont point été infructueux. Depuis deux cent quarante ans, les armemens pour la pêche de la morue n’ont discontinué à Binic que dans les temps de guerre générale ; le mouvement annuel du port dépasse souvent 20,000 tonneaux, et, pour l’accroître encore, il ne faudrait que perfectionner les chemins qui rayonnent alentour.

La mer se dégage au sud des roches de Saint-Quay, et l’on ne trouve plus, jusqu’à la pointe du Roselier, que trois écueils : partout ailleurs ce serait beaucoup ; ce n’est rien pour la baie de Saint-Brieuc.

Le fond de la baie et le port du Légué sont signalés au loin par les édifices qui couronnent la montagne de Saint-Brieuc et par le grand vide que forment à côté l’anse et la vallée d’Yffiniac. Le navire qui, venant de l’ouest par un beau temps, cherche l’atterrage de Saint-Brieuc entre avec le flot dans les passes occidentales de l’île Bréhat, et, rapidement entraîné jusqu’en travers des roches de Saint-Quay, il marche ensuite au sud-sud-est jusqu’à ce que, parvenu sur la direction de la vallée du Gouet, il tourne à l’ouest et entre dans la rivière par le plein de la marée à laquelle il s’est abandonné au détour des Héaux. Il a fait ainsi 33 milles en moins de cinq heures. Le navire venant de l’est termine avec encore plus de facilité sa course par la même manœuvre.

Le Gouet débouche au fond de la baie par une vallée étroite et profonde sur une longue plage sablonneuse, où ses eaux divaguent à mer basse. À gauche de l’embouchure est l’anse de Port-Aurèle, bordée de roches accores et couverte du nord par la pointe du Roselier. À droite se dresse, à 66 mètres au-dessus du niveau de la mer, sur le cap qui sépare la vallée du Gouet de l’anse d’Yffiniac, la vieille tour de Cesson : ce monument de l’architecture militaire du XIVe siècle était autrefois entouré d’un double fossé creusé dans le roc. La tour se rendit en 1592, après avoir essuyé quatre cent cinquante volées de canon, au duc de Mercœur, qui tenait pour la ligue ; le duc de Brissac la reprit en 1598 pour Henri IV, et en fit démolir à la mine la face occidentale : ainsi réduite à la forme d’un demi-cylindre, elle sert de retraite aux oiseaux de proie et d’amers aux navigateurs.

L’entrée du Gouet décrit une courbe aplatie dans laquelle ne pénètrent pas les agitations de la mer. Le port du Légué y est établi et est fermé à deux kilomètres de l’embouchure par un pont sur lequel passe la route de Saint-Brieuc ; il consiste en un canal d’une trentaine de mètres de largeur, bordé de beaux quais et pourvu de cales et de magasins. La population s’est fixée de préférence sur la rive gauche, à l’exposition du midi.

Saint-Brieuc est situé à moins d’un kilomètre en arrière du Légué, sur le cap escarpé au pied duquel se bifurquent la vallée du Gouet et