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envieuses du bel esprit Lysidas, et faisait dire au premier d’un ton affirmatif que « c’est le goût de la cour qu’il faut étudier pour trouver l’art de réussir, qu’il n’y a point de lieux où les décisions soient si justes, et qu’à part tous les gens savans qui s’y trouvent, du simple bon sens naturel et du commerce de tout le beau monde, il s’y fait une manière d’esprit qui, sans comparaison, juge plus finement les choses que tout le savoir enrouillé des pédans. » Tout le reste de la scène et ailleurs quelques vers célèbres de la comédie des Femmes savantes ne sont que cette même préférence donnée du bon goût de la cour

Sur le savoir obscur de la pédanterie,</poem>


ce qui sans doute, et à Dieu ne plaise, ne désignait pas l’Académie, mais ce qui ne l’excluait pas, en la personne du moins de Cotin, de l’abbé Daubignac et de quelques autres de leurs confrères.

Quoiqu’il en soit de cette prééminence absolue de la cour en fait de goût et de bon langage, si elle était avouée sans flatterie à l’époque même où l’Académie comptait ses plus grands hommes, qui, à la vérité, étaient aussi de la cour, il n’en fut pas de même après Louis XIV, et lorsqu’on tomba des magnificences de son âge mûr et de la dignité de sa vieillesse aux corruptions d’une autre époque. Le brillant esprit des Mortemart et la discrète élégance de Mme de Maintenon étaient mal remplacés par les hardiesses de la duchesse de Phalaris et de Mme de Prie, et les grandes dames qui couraient aux licencieux spectacles de la foire Saint-Laurent, qui plus tard jouaient au naturel dans les pièces du théâtre de société que Collé composait pour un prince, n’avaient pas sans doute, sur la grâce et le goût, les mêmes idées qu’une La Fayette, une La Vallière, une Sévigné, ou que ces jeunes femmes de la cour qui, sous les longues robes et les voiles d’Orient, avaient dans leur enfance récité à Saint-Cyr les vers divins d’Esther.


VILLEMAIN,

membre de l’Académie français.