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Les chefs indigènes avaient été prévenus pendant que l’Ann séjournait à Monrovia. On les trouva réunis et disposés à traiter d’une portion de leur territoire. Une difficulté grave surgit tout d’un coup cependant, quand les naturels entendirent parler de l’interdiction formelle des liqueurs fortes: ils invoquèrent leur goût prononcé, un usage de trois siècles ; mais le docteur Hall tint bon et vainquit la résistance des chefs. L’Ann retourna à Monrovia chercher les familles des nouveaux colons, débarqua tous les objets destinés à leur installation, et revint donner à Baltimore de bonnes nouvelles de la première expédition faite par l’état de Maryland livré à lui-même. D’autres bâtimens suivirent l’Ann, apportant de nouveaux colons et de nouveaux secours. Enfin, en 1835, le Bourne trouva la colonie solidement établie et à l’abri des craintes que l’on avait pu concevoir au lendemain de l’installation.

Cependant, après le départ de l’Ann, le roi du cap Palmas avait élevé le prix du riz. Le docteur Hall comprit tout de suite que céder à cette première exigence, c’était frayer la voie aux prétentions, aux violences les plus injustes. Il se rendit donc près du roi et lui déclara que, s’il ne pouvait obtenir du riz à un prix raisonnable, il allait envoyer un bâtiment en chercher ailleurs. Le roi menaça de couler le bâtiment, le docteur Hall menaça de brûler la ville. Après une violente altercation, le premier céda, et les choses rentrèrent dans l’ordre. Ce fut la première et la seule difficulté qu’éprouva la colonie du cap Palmas, plus heureuse en cela que sa voisine et sa devancière. Cette petite crise eut même pour Maryland une conséquence favorable, car des tribus indigènes, frappées de l’attitude des colons en présence d’une lutte qui paraissait inévitable et où trente-cinq hommes auraient eu à en combattre quinze cents, désirèrent aussi se mettre sous la protection d’un pays qui produisait de si énergiques citoyens. Un de leurs principaux chefs partit donc pour l’Amérique du Nord et alla demander des lois à la Société de colonisation.

L’année 1837 est le point de départ de l’existence morale et politique de la colonie du Maryland. À cette époque, on commença à confier l’administration aux gens de couleur eux-mêmes, et on promulgua un code de lois basé sur la déclaration des droits qui avait été, dès l’origine, donnée au docteur Hall chargé du gouvernement temporaire. Le commerce n’avait pu se faire jusqu’alors que par voie d’échange; à défaut de numéraire, on créa une petite quantité de papier-monnaie ayant une valeur réelle en denrées et toujours échangeable au magasin public au cours du marché. La nature et la valeur du billet étaient rendues intelligibles aux indigènes par des figures d’objets naturels; cette combinaison ingénieuse réussit très bien et a été employée jusqu’ici.

En 1841 eut lieu, à Baltimore, un meeting général de la Société de colonisation dans lequel, après avoir signalé de nouveau la fausse position des gens de couleur libres aux États-Unis et l’impossibilité où ils seraient toujours d’y jouir de droits égaux à ceux des autres citoyens, on continua à redoubler d’efforts pour faire prospérer la colonie d’Afrique. On prit en conséquence quelques mesures, dont la plus utile fut l’achat d’un navire destiné à servir de paquebot et à établir une communication régulière entre Maryland-in-Libéria et Baltimore. Deux années auparavant, les ressources financières de la société avaient été épuisées et l’on avait résolu de suspendre les expéditions, ce qui était d’ailleurs considéré comme utile, afin de laisser aux premiers