Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/1011

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même les plus exercés à ce mode de lavage évaluent le rendement des terrains aurifères à la moitié de celui que donnerait le même volume de matières traité dans les machines à mercure. Les Sonoriens et lus Mexicains, qui excellent dans le traitement de ces terrains, n’ont cependant pas renoncé à l’aire usage du procédé par la bâtée ; ils possèdent au suprême degré ce qu’on peut appeler le tour de main. Eclairés par une longue expérience, ils savent imprimer à ce récipient les mouvemens les plus propres à effectuer la séparation du métal et des matières terreuses, et, lorsque l’état de division de celles-ci est assez avancé, il leur arrive même souvent de substituer à l’action mécanique de l’eau le souffle intense de leurs poumons.

Le procédé par la bâtée, fort imparfait, au moins pour la généralité des émigrans, a toutefois l’avantage de prévenir les débats auxquels donne lieu fréquemment l’association des travailleurs, réduite même à la plus simple expression. Dans l’exploitation du sol aurifère en Californie, le produit ou la rémunération du travail doit être rigoureusement en raison directe des efforts exercés. Le procédé dont je viens de parler résout la difficulté, en ce sens qu’il livre le travailleur à lui-même, et l’oblige à compter seulement sur ses propres efforts.

Les machines américaines, désignées sous le nom de cradle (berceau), qui trouve son explication dans la forme de ces instrumens, sont aujourd’hui généralement employées. Très simplement construites, à l’abri de tout dérangement, d’un poids léger qui en facilite le transport, et d’un prix minime qui les rend accessibles à tous les émigrans, ces machines sont suffisamment perfectionnées pour le traitement des alluvions aurifères. On peut même les disposer de façon à utiliser l’action du mercure[1], qui a la propriété de s’emparer avec avidité de presque toutes les particules d’or en contact avec les matières terreuses, dont le rendement atteint alors les proportions les plus élevées. L’emploi de la machine à mercure n’est cependant pas aussi général qu’il devrait l’être : un désir commun, chez presque tous les mineurs, d’obtenir la poudre d’or avec tout son éclat métallique, et la préférence que les banquiers de San-Francisco accordent à ce métal isolé par des lavages successifs, ont contribué à retarder l’application exclusive du procédé par amalgamation.

Dans les circonstances actuelles, les chiffres suivans expriment la richesse des terrains de transport, ou plutôt la quantité d’or que le travailleur peut en extraire, selon les procédés dont il fait usage : par la bâtée,

  1. Les riches gisemens de cinabre (bi-sulfure de mercure) exploités depuis quelques années en Californie par M. Forbes, consul de sa majesté britannique, et d’autres non moins importans qu’on a découverts ou mis récemment en exploitation, répandent sur le marché de San-Francisco ce métal en assez grande abondance pour le maintenir toujours à des prix peu élevés.