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descendans d’un petit nombre d’individus venus de ce pays accompagnés de leurs femmes, quelques-uns comme colons, d’autres au service de l’armée, ils en avaient conservé les mœurs et les traditions. Au commencement de ce siècle, les rejetons de ce noyau composaient une population de près de 5,000 ames, qui s’était formée dans l’intervalle d’une cinquantaine d’années. Indolens par caractère, sans industrie, produisant seulement les denrées les plus indispensables à leur alimentation et ne prenant aucune part au commerce établi par les missions, leur condition matérielle resta toujours la même avant comme après leur installation en Californie. Cette population se livrait presque exclusivement aux plaisirs de la danse, du jeu et de l’équitation. Parmi elle étaient recrutées toutes les compagnies militaires qui formaient la défense des presidios, et où se trouvaient, — rapportent quelques Européens qui habitaient le pays à cette époque, — les premiers cavaliers du monde. La fécondité des gens de raison tenait du prodige ; il était assez rare de rencontrer un couple avec moins de douze ou quinze enfans, et souvent ce dernier chiffre était dépassé. Jouissant généralement d’une santé des plus prospères, ils atteignaient communément l’âge de quatre-vingts à cent ans, dans ce climat où la plupart des infirmités sont inconnues, et dont l’influence salutaire est démontrée par la vigueur même des habitans.

On voit quels étaient, il y a environ trente années, l’état social et la condition de la population d’origine espagnole en Californie. Les hommes qui prenaient la plus grande part à la direction des affaires de ce pays avaient, à l’origine, répandu les premiers bienfaits de la civilisation, en s’efforçant, avec une charitable persévérance, d’assimiler les naturels, plongés dans une barbarie profonde, aux autres créatures humaines. Ces louables efforts furent, dans de certaines limites et pendant quelque temps, couronnés de succès, car les Indiens finirent par comprendre le bénéfice qui résultait pour eux de leurs relations avec ces zélés pasteurs : ils se rangèrent en grand nombre sous leur autorité paternelle. Après avoir agi avec tant d’abnégation et apporté de grandes améliorations dans ce territoire et les mœurs de sa population, les mêmes administrateurs, animés plus tard d’un esprit exclusif contre des émigrans industrieux dont la coopération eût été profitable au pays, ne tardèrent pas à perdre le fruit de tant de labeurs. Privés bientôt de la salutaire influence de leur appui, les Indiens retournèrent à cet état primitif et sauvage pour lequel ils avaient un penchant naturel, et devinrent moins accessibles qu’ils ne l’avaient été d’abord aux bienfaits de la civilisation. La période de bon accord entre les Européens et les Indiens dura néanmoins jusqu’en 1835, époque des troubles qui devaient imposer à cette partie du Mexique une autre forme de gouvernement. Les membres des corporations religieuses, placés