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vieux Vikings. Patrie de Tegner, l’auteur de la Saga de Frithiof, et de Geijer, qui a traité l’histoire avec une grandeur épique, la Suède est véritablement, parmi les contrées septentrionales, le pays de l’épopée.

Rien ne ressemble moins à la Suède que le Danemark. Dès qu’on aperçoit seulement les bords du Sund, la différence devient sensible. Ici vous retrouvez la douce et molle Europe. Au lieu de ces grandes cabanes suédoises de bois peint en rouge qui s’élèvent à de rares intervalles au milieu des pins et des rochers déserts, vous reconnaissez de nombreux villages dont les petites maisons en briques s’abritent gaiement sous une verdure aux couleurs variées. Plus on approche de Copenhague en traversant le Sund du nord au sud, plus la scène devient animée. À la jolie ville d’Elseneur succèdent des prairies et des bois derrière lesquels on peut apercevoir la belle résidence royale de Fredensborg ; les jolis parcs de Klampenborg et de Charlottenlund offrent ensuite un aspect joyeux qu’on ne retrouve sur aucun point de la côte suédoise, située justement en face et sous la même latitude. Il y a ici un petit peuple vif, alerte, plein de verve et de cœur ; il l’a bien prouvé dans sa dernière guerre contre les Allemands. C’est un vrai plaisir d’entendre raconter à Copenhague comment la marine danoise a bloqué les ports de la Prusse, comment est mort le brave général Rye, — et la défense de Frederikstad, et la bataille d’Idstedt gagnée par le général de Meza au moment où l’on croyait la journée perdue. Il faut voir aux portes des marchands d’estampes soldats et enfans du peuple s’expliquer mutuellement les gravures représentant quelque épisode de la guerre auquel un d’entre eux assistait. L’anecdote, la pantomime significative et animée, le couplet et le dialogue plaisent au peuple danois. Le génie dramatique domine évidemment dans la patrie de Holberg et d’OEhlenschläger.

Plus lyriques sont les inspirations que les poètes et les artistes de la Norvége ont su puiser dans la lecture enthousiaste des vieilles sagas scandinaves et dans les majestueux aspects d’une sauvage nature. Le chant national des Norvégiens exprime d’une façon caractéristique ces tendances élevées qui se retrouvent dans toute leur littérature : « Qu’elle est magnifique, ma patrie, la vieille Norvège (gamle Norge) entourée par la mer ! Voyez ces fières forteresses de rochers qui bravent à jamais les efforts du temps ! Sépulcres des premiers âges, elles restent seules au milieu des bouleversemens du globe, comme des héros aux cuirasses bleues, aux fronts couverts de casques d’argent. — Parmi les glaciers de la Norvége, le dieu Thor a voulu placer son trône. Quand il roule son char dans les nuages, leurs échos répètent son nom et redisent au Nord sa gloire et celle des anciens héros. »

Suède, Danemark et Norvége, avec leur physionomie particulière, ont aussi leur rôle à part dans le concert des nations européennes. Les