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Dans tes bois, où je vais exempt de lassitude,
L’absence des humains fait ton plus doux attrait.

ADMETE.

Je respire en ces prés l'oubli des soins moroses ;
Mon cœur plus libre y flotte avec l’odeur des roses,
Et, n’y songeant à rien qu’à jouir des beaux jours,
Comme une abeille aux fleurs, vole tout aux amours.

ERWYNN.

Oui, mon ame en ces lieux brise toutes les chaînes
Dont l’homme et les destins avaient su me lier ;
Oui, l’oubli se respire avec l’ombre des chênes
Au bord des lacs déserts.... J’y viens pour oublier.

ADMETE.

Ah ! le désert est doux pour être deux ensemble.
J’y chéris, ô Myrto, tout ce qui te ressemble ;
La nature m’y plaît, mais d’un charme emprunté
Aux grâces de ce front dont j’aime la beauté.

ERWYNN.

Quels yeux ont des regards profonds comme ces ondes
Sur qui le noir sapin s’incline échevelé ?
Quel front si pur de vierge a, sous ses tresses blondes,
De ces neigeux sommets l’éclat immaculé ?

ADMETE.

Au bord du lac un jour, sous l’aulne et sous le frêne.
Belle et sans voile ainsi qu’une jeune syrène,
J’ai vu Myrto, tordant l’or de ses longs cheveux ;
Des perles en tombaient et ridaient les flots bleus.
La blancheur de son corps par les rameaux couverte
Rend l’eau plus sombre autour et la feuille plus verte,
Et sur ses pieds de rose arrive en surnageant
Parmi l’or d’un fin sable une écume d’argent.
Moi, je bénis tout bas l’invitante naïade,
Et Pan qui me cacha sous cette ombreuse arcade.
Et les ardeurs de l’air, et la fraîcheur de l’eau.
Les saules sur le bain étendus en berceau ;
Tous les dieux de l’été, ces conseillers propices,
Des larcins de l’amour joyeux d’être complices.