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Redonnez- moi l’aspect de la nature absente ;
Qu’aux clartés de vos vers, mon ame encor la sente.
Ces bois si chers, ces prés de soleil éclatans.
Faites-les-moi revoir par vos yeux de vingt ans.
Dites-moi la nature, et la saison nouvelle,
Et le charme secret qui vous attire en elle !
Rendez-moi, tous les deux à ce hêtre adossés,
Ces combats si charmans, hélas ! et délaissés,,
Où les bergers rivaux d’amour et de génie
D’une double chanson mariaient l’harmonie.
La Muse aime les chants alternés ; les beaux vers
Sonnent mieux balancés sur deux modes divers.
Ouvrez la lutte, enfans ! pour prix de la victoire,
Je réserve au vainqueur une lyre d’ivoire,
Présent d’un dieu pasteur qui vécut parmi nous.
L’heureux vaincu prendra cette coupe de houx
Ciselée avec art, de vin vieux imprégnée ;
En un pareil combat, jadis, je l'ai gagnée.

ADMÈTE.

Salut, printemps, salut ! c’est toi qui fais aimer.
Salut aux champs, aux bois que tu viens ranimer,
Où, sous chaque rameau, la volupté palpite !
Je cherche les forêts, car l’amour les habite.
L’odeur des prés m’attire et leurs vives couleurs,
Car j’y trouve une enfant plus douce que les fleurs.

ERWYNN.

O nature, salut ! c’est toi seule, ô ma mère.
C’est toi que je visite en ton palais charmant !
Je n’y viens pas, épris d’une idole éphémère.
Chercher d’un autre amour l’asile et l’ornement.

ADMÈTE.

Dans un sentier discret de ces taillis d’yeuse.
Rose comme une nymphe et comme elle joyeuse,
Moi j’aperçus Myrto pour la première fois :
J’aime depuis ce temps la campagne et les bois.

ERWYNN.

Ton vrai charme, ô nature, est dans ta solitude ;
Tout fantôme d’amour devant toi disparaît ;