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ni vers ni insectes ; pas de nuances dans la végétation, rien que des troncs éternellement secs et droits surmontés de branches uniformes. La capitale elle-même, à peine suspendue par un de ses faubourgs au continent de la Suède, qui la domine au sud et à l’ouest, est construite sur des îles et flotte entre le lac Mélar et le lac salé, c’est-à-dire la mer, dont un millier d’îlots, jetés en avant de son double port, ont brisé les flots et apaisé l’agitation. On ne trouve pas, hélas ! dans la Venise du Nord, les fleurs ni les arts de l’Italie ; mais les Suédois ont raison de vanter son magnifique aspect et cette atmosphère vive et pure qui procure à tout un noble peuple, mieux peut-être que le ciel voluptueux de l’Italie, la force et la santé du corps, et aussi celle de l’ame.

Stockholm a des étés plus courts que les nôtres, mais constamment secs et beaux, et l’hiver, quand les lacs dont elle est environnée sont couverts de glace et sillonnés par les traîneaux et les patineurs, elle reflète gaiement sur une neige étincelante les rayons obliques d’un soleil qui s’enfuit. Le Mélar, aux bords si vantés, dessine autour d’elle un immense horizon qui recule sans cesse, mais dont la majesté sévère éveille chez l’habitant du Midi un étonnement mêlé de tristesse. À peine le long de ses golfes innombrables rencontre-t-on quelquefois le chêne mélangé au sapin. Toute la partie nord-est de la Suède, c’est-à-dire les provinces ou län de Stockholm et d’Upsal, présente absolument le même aspect. Si dans l’ouest et le centre, c’est-à-dire dans les deux Gothies, une végétation moins rare et moins sombre rappelle davantage le continent, un sol entrecoupé de lacs, de cascades et d’immenses canaux, donne à ces provinces mêmes une physionomie qui dans son étrangeté ne manque pas de grandeur. Pour aller de Stockholm à Götheborg, vous traversez deux cents lieues de lacs et de rivières canalisées, et le navire qui fait ce trajet en trois jours et trois nuits monte par trente-quatre écluses jusqu’à une hauteur de plus de trois cents pieds, puis redescend, par vingt autres écluses, jusqu’au niveau de la rivière de Götha. Rien de semblable, dans aucun pays du continent, à ce singulier voyage au-dessus des plaines et des forêts. Tel est le caractère général de la Suède, de présenter aux regards étonnés de grands espaces, des lacs et des îles innombrables, un sol hérissé de granit accordant à peine un blé qui ne mûrit pas toujours et qu’il faudra, cette année encore, mélanger avec la seconde écorce du bouleau, de vastes et froides solitudes, les quatre cinquièmes de la France habités par trois millions cinq cent mille ames ! L’histoire de la Suède ressemble à sa configuration physique ; elle se dessine à grands traits, plus d’une fois sanglans. Ses nombreux châteaux ne sont que trop riches en sinistres souvenirs, et les fouilles des antiquaires y font retrouver chaque jour les débris des anciennes batailles et les armes des