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fois dans l’histoire des Gaules que les champs catalauniques se trouvaient choisis pour être le théâtre d’une lutte formidable entre les nations, et ce ne fut pas non plus la dernière.

On pense bien qu’Attila, dans sa marche précipitée, ne laissa piller qu’autant qu’il le fallut pour se procurer des vivres. Au passage de la Seine à Troyes, il n’entra point dans la ville ; l’évêque Lupus ou Loup (c’était le même dont nous avons parlé plus haut et qui accompagnait saint Germain dans son voyage de Bretagne) vint au-devant de lui, le priant d’épargner, non pas seulement les habitans d’une cité sans défense, comme était alors celle de Troyes qui n’avait plus ni portes ni murailles, mais encore la population des campagnes. « Soit, répondit le roi hun de ce ton froidement railleur qui succédait chez lui aux emportemens de la colère ; mais tu viendras avec moi jusqu’au fleuve du Rhin. Un si saint personnage ne peut manquer de porter bonheur à moi et à mon armée. » Attila voulait garder en otage, à tout événement, un prêtre vénéré dans la contrée et considérable aux yeux de tous les Romains. Pendant qu’il passait l’Aube à Arciaca, aujourd’hui Arcis, il laissa son arrière-garde, composée des Gépides, dans la plaine triangulaire que la Seine et l’Aube baignent à droite et à gauche avant de confondre leurs eaux, non loin de Mauriacum, ou Méry-sur-Seine, petite bourgade qui avait fait donner à ce delta le nom de Champs de Mauriac. L’armée d’Aëtius avait gagné de vitesse celle des Huns, que la famine, les maladies, les embuscades de paysans décimaient tout le long de la route, et son avant-garde, formée des Franks de Mérovée, vint donner contre les Gépides, qui protégeaient le passage de l’Aube. Le choc eut lieu pendant la nuit ; on se battit à tâtons jusqu’au jour dans une mêlée effroyable, et d’un côté la hache des Franks, de l’autre l’épée et la lance des Gépides firent si bien leur office, qu’au lever du jour quinze mille blessés ou morts couvraient le champ de bataille. Ardaric, ayant ramené ses Gépides au-delà de la rivière, rejoignit le gros de l’armée hunhique, qui le jour même entra dans la ville de Châlons.

Il n’y avait plus moyen d’éviter un combat général. À quelques milles au-delà de Châlons, près de la station appelée dans les itinéraires Fanum Minervoe, temple de Minerve, se voient encore aujourd’hui les restes d’un camp fortifié à la manière romaine, lequel commandait la route de Strasbourg, et semble avoir eu pour destination de couvrir les deux villes de Reims et de Châlons, entre lesquelles il était situé. Non loin de ces ruines, dans une plaine à perte de vue, coule la rivière de Vesle, qui, voisine de sa source, n’est encore là qu’un faible ruisseau, et cette circonstance, jointe à d’autres détails topographiques indiqués par l’histoire, paraît confirmer l’opinion qui fait de ce lieu le champ de bataille des Romains et des Huns. En effet, la tradition désigne sous le nom de Camp d’Attila ces restes d’un établissement dont le caractère