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grande au XIIIe siècle, puisque saint Louis vint à Orléans avec ses fils pour avoir l’honneur de porter les ossemens de saint Agnan lors d’une translation de reliques. Les guerres religieuses n’épargnèrent pas les restes d’un héros coupable d’avoir été évêque et canonisé : les calvinistes en 1500 brisèrent sa châsse et dispersèrent ses os. Par une triste coïncidence, le saint roi qui était venu l’honorer eut, lui aussi, sa tombe violée à Saint-Denis, sous l’empire d’autres passions et d’autres fureurs, et la ville de Paris vit brûler en place de Grève les restes de la fille vénérable dont les patriotiques pressentimens et la courageuse volonté avaient empêché sa ruine. Ainsi la France dispense tour à tour à ses enfans les plus glorieux l’apothéose et les gémonies. Puisse du moins l’histoire offrir à ceux qui ont servi la patrie en des temps et sous des costumes différens, prêtres, rois, guerriers, bergères ou reines, un asile sûr où leurs reliques ne seront point profanées !

Les nomades ne se font pas, comme nous, un déshonneur de la fuite ; attachant plus d’importance au butin qu’à la gloire, ils tâchent de ne combattre qu’à coup sûr, et, lorsqu’ils trouvent leur ennemi en force, ils s’esquivent, sauf à revenir en temps plus opportun. C’est ce que faisait Attila : trompé dans ses prévisions sur Sangiban et maudissant Aëtius, il ne songeait plus qu’à mettre pour le moment ses troupes et son butin en sûreté. Il décampa donc silencieusement pendant la nuit, reprenant la même route qu’il avait suivie à son arrivée, et au lever du jour il était déjà loin de la ville. Il lui tardait de gagner au-delà de Sens un pays moins ravagé que les environs d’Orléans, et des plaines découvertes où la cavalerie hunnique retrouverait tous ses avantages, dans la prévision d’une bataille. Au nord de la ville de Sens, entre la vallée de l’Yonne et celle de l’Aisne, se développe, sur une longueur d’environ cinquante lieues et une largeur de trente-cinq à quarante, une succession de plaines coupées de rivières profondes, dont l’ensemble portait, dès le Vie siècle, le nom de Campania, Champagne, qu’il conserve encore aujourd’hui. À son extrémité septentrionale s’élèvent les montagnes de l’Ardenne, qui, séparant ces plaines sèches et ondulées des plaines fertiles et basses de la Belgique, présentent à l’horizon comme un mur boisé d’une hauteur presque uniforme. Il n’y a d’issue, pour en sortir et gagner le cours inférieur du Rhin, que les défilés dangereux de l’Ardenne du côté du nord-est, ou, du côté du sud-est, le long trajet des Vosges et du Jura ; deux routes romaines conduisant dans ces deux directions se croisaient alors à Durocatalaunum, aujourd’hui Châlons-sur-Marne. Attila, qui avait traversé ce pays en venant de Reims, avait hâte d’occuper la ville et la plaine environnante, qu’on appelait Champs catalauniques, afin d’assurer ses moyens de retraite dans le cas où, serré de trop près par l’armée romaine, il se verrait contraint de livrer bataille. Ce n’était pas la première