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qu’il en sorte aujourd’hui. Naguère tu lui imposas la paix, maintenant impose-lui la guerre. » Ce compliment quintessencié à la mode du temps, mais très flatteur, fut fort du goût d’Avitus. D’ailleurs la démarche d’un si grand personnage l’honorait tellement aux yeux du monde, qu’il se fit en quelque sorte un devoir de réussir dans la mission qu’on lui donnait. Il y réussit, et Théodoric, déjà ébranlé, fit aux sages représentations d’un ami le sacrifice de ses dernières répugnances. Avitus fut aidé en cela par le désir secret des chefs visigoths, qui commençaient à rougir du reproche de lâcheté que Romains et Barbares leur adressaient à l’envi. Aussi, quand un ordre du roi annonça le départ, la joie fut générale dans les cantonnemens des Goths c’était à qui se présenterait avec ses armes, à qui se ferait admettre parmi les combattans. Théodoric prit en personne le commandement de ses troupes, et se fit accompagner par ses deux fils aînés, Thorismond et Théodoric, laissant l’administration du royaume aux mains des quatre puînés, Frédéric, Euric, Rothemer et Himeric. Ce fut pour Aëtius et pour toute l’armée confédérée un beau jour que celui où, suivant l’expression du poète, gendre d Avitus, à qui nous devons ces détails, « les bataillons couverts de peaux vinrent se placer à la suite des clairons romains ; » de ce jour, le patrice ne douta plus de la victoire.

Tous ces tiraillemens, toutes ces tergiversations de Théodoric avaient fait perdre aux Romains un temps précieux : des cinq semaines pendant lesquelles la ville d’Orléans avait promis de tenir, la plus grande partie était déjà écoulée, et il restait encore une longue route à parcourir ; néanmoins Aëtius se flattait d’arriver avant le terme fatal. Attila, dont les hordes cernaient la place jusqu’à la Loire, poussait le siège aussi activement que le permettait la maladresse des Huns à manier les machines de guerre, tandis qu’au contraire les assiégés, bien munis de claies, de boucliers, de balistes, de matières inflammables, dirigeaient habilement les travaux de la défense. Plusieurs fois il fit approcher le bélier des murs, mais sans résultat. Les Huns recoururent alors à l’emploi des arcs, dont ils se servaient avec une vigueur et une sûreté de coup d’œil incomparables ; ils firent pleuvoir incessamment une grêle de flèches qui portaient la désolation dans la ville nul ne se montrait plus à découvert sur les créneaux sans être atteint, et les assiégés éprouvèrent de grandes pertes. Dans ces circonstances, et pour relever les courages qui commençaient à s’abattre, l’évêque fit promener processionnellement sur le rempart les reliques de son église ; mais l’ardeur des assiégés déclinait rapidement avec leurs forces, soit qu’ils eussent trop présumé d’eux en s’engageant à tenir jusqu’au 14 de juin, soit que, ne recevant aucunes nouvelles du dehors, ils pussent supposer que le reste de la Gaule s’était rendu. Ils accusèrent leur