Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/955

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout entière dans cette direction, et à partir de Reims tous les pillages cessèrent. C’est ainsi que Châlons-sur-Marne, Troyes et Sens furent traversés sans éprouver le sort de Metz, de Toul et de Reims. Quelque diligence que fît Attila, une armée embarrassée de chariots ne devait pas mettre moins de vingt jours à parcourir les 336 milles romains (112 lieues de France) qui séparaient Metz d’Orléans, d’après les itinéraires officiels. Ainsi donc, parti de la première de ces villes le 9 ou le 10 avril, il put arriver devant la seconde dans les premiers jours du mois de mai[1].


II – Siège d’Orléans – Défaite d’Attila à Chalons

La Loire, dans son cours de cent quatre-vingts lieues, forme entre le nord et le midi des Gaules un large fossé demi-circulaire, tracé par la nature entre des climats différens, et qui séparait alors, comme il le fait encore aujourd’hui, des populations non moins différentes d’origine et d’intérêts. La ville d’Orléans, située au sommet de la courbure et boulevard de ce grand fossé, a joué un rôle important à toutes les époques de notre histoire, soit comme point stratégique, soit comme centre commercial. Au temps de l’indépendance de la Gaule et sous son vieux nom de Genabum, elle avait déjà cette double importance, et ce fut de ses murs que partit le signal de la grande insurrection qui mit un instant en péril la gloire et la vie de Jules César. Sous le régime gallo-romain, il y eut peu de guerres civiles ou étrangères dont elle n’eût à souffrir, et sa muraille, trop souvent battue du bélier, dut être reconstruite vers l’année 272, sous le principat de l’empereur Aurélien, dont Genabum, adopta le nom par reconnaissance. De même que la ville actuelle, la cité aurélienne était assise sur une pente qui borde la rive droite de la Loire, et son enceinte, formée par un parallélogramme de murs flanqués de tours, plongeait du côté du midi dans les eaux du fleuve. Une grosse tour, placée à l’angle sud-ouest, servait de tête à un pont qui conduisait sur la rive gauche dans la direction de Bourges, et d’autres ouvrages de grande dimension, dont quelques restes sont

  1. Voici, étape par étape, d’après les itinéraires romains, le chemin que parcourut Attila entre Metz et Orléans. Il est curieux de pouvoir suivre, au bout de quatorze siècles, tous les pas de ce terrible conquérant sur le sol de notre patrie. — 1o De Metz à Reims. — Divodurum, Metz ; Scarpona, Scarponne, 21 milles ; Tullum, Toul, 15 milles ; Ad Fines, Foug, 6 milles ; Nasium, Naix, 21 milles ; Caturiges, Bar-le-Duc, 14 milles et demi ; Ariola, Montgarni, 13 milles et demi ; Fanum Minervae, La Cheppe sur la Vesle, où la tradition place le camp d’Attila, 24 milles ; Durocortorum, Reims, 28 milles et demi.- 2o De Reims à Troyes. — Durocortorum, Reims ; Durocatalaunum, Châlons, 27 milles ; Artiaca, Arcis-sur-Aube, 33 milles ; Tricasses, Troyes, 18 milles. — 3o De Troyes à Sens. — Augustobona, Troyes ; Clanum, Villemaur, 18 milles et demi ; Agedincum, Sens, 25 milles. — 4o De Sens à Orléans. — Agedincum, Sens ; Aquœ Seyestœ, ruines au nord de Sceaux, 34 milles romains ; Fines, forêt d’Orléans entre Cour-Dieu et Philissanet, 22 milles ; Genabum, Orléans, 15 milles.