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campagne, il les tolérait par nécessité, afin de faire vivre son armée, ou par calcul, afin de l’animer. Lui-même, à son départ de Trèves, vint assiéger Metz, ne voulant pas laisser derrière lui une place si forte, qui dominait les principales routes des Gaules, celles qui mettaient le nord en communication avec le midi, et Trèves et Strasbourg avec la ville métropolitaine d’Arles, résidence actuelle des préfets du prétoire. Cependant, dépourvu de machines suffisantes et inexpert d’ailleurs à de telles opérations, il leva le siège tout découragé, après avoir battu long-temps du bélier les murailles de la ville. Il se trouvait déjà à vingt et un milles plus loin, occupé à détruire le château de Scarpone, lorsqu’il fut informé qu’un pan des murs de Metz s’était écroulé subitement. Sauter à cheval, franchir cette distance et accourir sur la brèche, ce fut pour les Huns l’affaire de quelques heures. Ils arrivèrent en pleine nuit, la veille de Pâques, qui tombait cette année-là au 8 avril. L’évêque s’était retiré dans l’église avec son clergé ; il fut épargné et emmené captif, mais ses prêtres furent tous égorgés au pied de l’autel. Les habitans périrent soit par l’épée, soit dans les flammes de leurs maisons, qui furent réduites en cendre ; on rapporte qu’il ne resta debout qu’un oratoire consacré à saint Étienne, premier martyr et diacre. De Metz, Attila se dirigea sur Reims.

La grande et illustre capitale des Rèmes ne lui coûta pas tant de peine à enlever : elle était presque déserte, ses habitans s’étant retirés dans les bois ; mais l’évêque, nommé Nicasius, restait avec une poignée d’hommes courageux et fidèles pour attendre ce qu’il plairait à Dieu. Quand il vit, après la rupture des portes, les Barbares se précipiter dans la ville, il s’avança vers eux sur le seuil de son église, entouré de prêtres, de diacres, et suivi d’une troupe de peuple qui cherchait protection près de lui. Revêtu des ornemens épiscopaux, l’évêque chantait d’une voix forte ce verset d’un psaume de David : « Mon ame a été comme attachée à la terre ; Seigneur, vivifie-moi selon ta parole. » Un violent coup d’épée trancha dans son gosier la sainte psalmodie, et sa tête roula à terre près de son cadavre. Nicasius avait une sœur d’une grande beauté, nommée Eutropie, qui, craignant d’être en butte aux brutalités de ces Barbares, frappa le meurtrier au visage, et se fit percer de coups à côté de son frère. Ce ne fut là que le prélude des massacres ; mais, la basilique sur le seuil de laquelle ils se passaient ayant retenti d’un bruit soudain et inconnu, les Huns effrayés s’enfuirent, laissant là leur butin, et quittèrent bientôt la ville. Le lendemain, les habitans reprirent possession de leurs maisons désolées, et, recueillant les restes de ceux qu’ils considéraient comme des martyrs, ils élevèrent un monument à leur pasteur, que l’église honore encore aujourd’hui sous le nom de saint Nicaise.

Ce sont les légendes nui nous donnent ces indications et nous apprennent