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garda son anneau. Celle-ci, irritée de ce dédain ou peu constante dans ses goûts, ourdit avec son intendant Eugénius une intrigue plus sérieuse dont le scandale la perdit. Sa mère la fit enfermer d’abord à Constantinople, puis à Ravenne. Les années s’écoulèrent, et jamais le roi hun, dans ses relations fréquentes avec l’empire d’Occident, n’avait paru se souvenir qu’il y possédait une fiancée ; jamais il n’avait fait la moindre allusion à des droits sur Honoria ou sur sa dot, lorsque tout à coup Valentinien reçut de lui un message par lequel il réclamait l’une et l’autre. Il venait d’apprendre avec grande surprise, disait-il, que sa fiancée Honoria subissait à cause de lui des traitemens ignominieux, et qu’on la détenait même en prison. Ne voyant pas que le choix qu’elle avait fait eût rien de déshonorant pour l’empereur, il exigeait d’abord sa mise en liberté, puis la restitution de la part qui lui revenait dans l’héritage de son père. Cette part, suivant lui, c’était la moitié des biens personnels du dernier auguste Constancius et la moitié de l’empire d’Occident.

L’histoire gardant le silence sur les aventures de la princesse Honoria postérieurement à sa captivité, nous ignorons si on l’avait mariée alors pour couvrir son déshonneur, ou si on le fit seulement à la réception du message, afin d’opposer aux prétentions du roi hun une raison péremptoire : en tout cas, Honoria se trouva mariée, et Valentinien put répondre que « sa sœur ayant déjà un mari, il ne pouvait être question de l’épouser, attendu que la loi romaine n’admettait pas la polygamie, comme faisait la loi des Huns ; que d’ailleurs sa sœur, fût-elle libre, n’aurait rien à prétendre dans la succession de l’empire, attendu encore que, chez les Romains, les femmes ne régnaient pas, et que l’empire ne constituait point un patrimoine de famille. » Attila, qui ne discutait jamais les raisons par lesquelles on combattait sa volonté, persista purement et simplement dans sa double réclamation, et, afin de prouver à tous les yeux la sincérité de ses paroles, il envoya à Ravenne l’anneau qu’il tenait d’Honoria. On était dans la plus grande vivacité de ces débats, lorsque tout à coup Attila les rompit et parut les avoir totalement oubliés. Loin de montrer vis-à-vis de Valentinien ni aigreur ni souvenir pénible, il ne le traitait plus qu’avec une affection tout expansive. « L’empereur, à l’en croire, ne possédait pas d’ami plus sûr que lui, ni l’empire de serviteur plus dévoué ; son bras, ses armées, toute sa puissance, étaient au service des Romains, et il ne désirait rien plus qu’une occasion d’en fournir la preuve. » Cette subite chaleur d’amitié de la part d’Attila n’effraya guère moins la cour de Ravenne que ses derniers éclats de colère ; on sentit bien en effet que cette nouvelle politique révélait un nouveau danger.

Carthage et l’Afrique étaient alors sous la domination d’un homme comparable au roi des Huns par sa laideur et son génie, — Genséric, roides Vandales. Ce qu’Attila avait accompli avec tant de promptitude