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en toute sûreté, remanier le système entier de l’administration de ses états, sans que son autorité coure aucun risque. Qu’il le veuille seulement et qu’il l’ordonne : tout se fera, et tout se fera, à la différence des temps du cardinal Gizzi et du cardinal Ferretti, sans qu’il y ait péril pour le saint-siège à se voir entraîné, par la force d’une opinion publique exaltée, au-delà de ses intentions. Le saint père est aujourd’hui dans la situation que rêvait ce généreux ministre qui demandait à un grand peuple dix ans de despotisme, promettant, les dix ans révolus, de le rendre le plus libre de toute la terre : il peut, s’il le veut, profiter du pouvoir absolu que la Providence divine, par le moyen des armes, de la France, lui a rendu, pour reconstituer l’administration de ses états sur le modèle des administrations contemporaines les plus parfaites ; il peut, s’il le veut, user en liberté de sa toute-puissance, pour réaliser le beau rêve de sa vie : rendre heureux trois millions d’êtres pensans et souffrans, qui n’ont connu, depuis trente années, que les misères du despotisme ou de l’anarchie.

Il n’y a plus aujourd’hui, pour arriver à ce grand but, d’études à faire ; elles sont faites. Dès 1831, elles l’étaient déjà, et ce fameux memorandum du 10 mai, que remirent en commun alors au cardinal Bernetti les représentans réunis de France, d’Autriche, de Prusse, de Russie et d’Angleterre, pourrait encore aujourd’hui servir de base.

Que demandaient les cinq grandes puissances ? Que les améliorations réclamées depuis quinze ans déjà par le peuple des États de l’Église, et promises par Pie VII, embrassassent à la fois le système judiciaire et celui de l’administration municipale et provinciale ; en principe, que les laïques fussent, comme les ecclésiastiques et indistinctement, admis à toutes les fonctions judiciaires et administratives ; quant à l’ordre judiciaire proprement dit, que les promesses du motu proprio de 1816, motu proprio plein de l’esprit de l’administration française, fussent loyalement réalisées, c’est-à-dire que l’égalité de tous les sujets du saint père devant les tribunaux et les lois fût reconnue, que les audiences fussent publiques etc. ; quant à l’ordre administratif, que les municipalités fussent affranchies, qu’elles fussent élues par la population et appelées à gérer elles-mêmes leurs propres intérêts ; qu’à côté des communes et au-dessus d’elles on organisât, sous le nom de conseils provinciaux, des comités consultatifs permanens, chargés d’aider le gouverneur de la province dans ses fonctions, de contrôler l’administration communale et la répartition des impôts, et enfin ayant le droit d’émettre des vœux pour éclairer le gouvernement sur les véritables intérêts de la province ; que les finances des États de l’Église fussent rétablies ; qu’à cet effet, et pour assurer dans l’avenir le maintien de l’ordre dans cette partie mère de l’administration publique, une cour suprême des comptes fût érigée à Rome, qui