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La conversion de la dette immobilière, et, avec le temps, l’affranchissement du sol, peuvent être considérés comme des mesures de salut public : ne serait-il pas facile de démontrer que toutes les relations sociales sont influencées par l’état économique de la propriété ? Il est donc parfaitement légitime que le gouvernement favorise une opération qui d’ailleurs resterait impossible sans son concours.

Entre les divers modes de patronage qui ont été pratiqués en divers pays, le meilleur assurément est celui que l’on va mettre à exécution chez nous : il consiste à soutenir le cours des lettres de gage à la Bourse, jusqu’au jour où l’achat de ces titres sera entré dans les habitudes de ceux qui doivent former la clientelle habituelle de l’institution. Toujours détenteur de fonds dont il ne doit compte qu’à longs termes, l’état pourra mettre une banque immobilière en mesure de relever son crédit, s’il éprouvait de trop fortes oscillations, en lui offrant des avances d’argent sur dépôt de lettres de gage. En se chargeant de ces titres, le trésor ne fera pas autre chose qu’un placement hypothécaire, aussi avantageux pour lui que pour les simples particuliers. Il touchera l’intérêt de ce placement à 4 et demi pour cent ; il participera aux chances de remboursement, si des numéros désignés chaque année par le sort se trouvent entre ses mains : il fera même au besoin revendre ses titres sur la place, lorsqu’il y aura opportunité. L’état agira, en un mot, comme le font les grands banquiers quand ils veulent sérieusement le succès d’une affaire : ils affichent hautement leur intervention, ouvrent de larges crédits, et cela suffit le plus souvent pour que l’opération marche sans leur concours effectif.

L’état dispose de beaucoup d’autres moyens pour accréditer une valeur nouvelle, sans imposer des sacrifices aux contribuables. Il peut prescrire que les lettres de gage, comme les titres de rente, seront admises en consignation par les tribunaux ; il peut obtenir de la Banque de France qu’elle les reçoive en dépôt, comme garantie remplaçant la troisième signature dans l’escompte des billets : il peut détourner vers ce nouveau genre de rente hypothécaire des fonds dont il est le dépositaire habituel, et qu’il déclare être un embarras pour lui, tels que ceux des caisses d’épargne, de retraite, de secours mutuels, et de diverses institutions d’utilité publique.

Imaginons donc comment doivent se comporter sur la place des titres émis dans les conditions que nous venons de décrire. Ils ont contre eux la sourde hostilité des hommes de procédure et de finance, il faut s’y attendre ; mais en revanche ils sont d’une solidité incontestable. Garantis, comme les rentes sur l’état, par toutes les lois morales et civiles, ils ont de plus un gage palpable, réalisable en tout temps. Émis avec sobriété, ils sont soutenus par un amortissement réel ; coupés par petites sommes, ils glissent, comme la monnaie, de