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champ qu’à sa vie ; il se croit volé quand on le force à restituer : de là des inimitiés féroces et vivaces auxquelles les capitalistes timides ne s’exposent pas.

Que de choses il y aurait à dire encore sur les souffrances de la propriété, et sur les abus qui les occasionnent ! Mais il s’agit seulement de démontrer que nulle part les établissemens de crédit foncier ne sont aussi nécessaires que chez nous, et les faits que nous venons de rappeler ne permettent, ce nous semble, aucun doute à cet égard.


III. – MECANISME DU CREDIT FONCIER.

Toutes les combinaisons imaginables du crédit foncier peuvent être rapportées à trois types :

1° Les sociétés qui prêtent, non pas de l’argent, mais du crédit, c’est-à-dire les compagnies d’emprunteurs, qui livrent à leurs adhérens un papier garanti et facilement négociable : ce système est celui qui a été éprouvé en Allemagne avec le plus de succès ;

2° Les sociétés de capitalistes actionnaires qui font des avances d’argent sur les immeubles ;

3° Les établissemens tendant à introduire dans la circulation des espèces d’assignats, en remplaçant les titres hypothécaires par des billets à cours forcé.

À ce dernier système se rapportent assurément plus des neuf dixièmes des cinq cents projets ou brochures suscités depuis quatre ans par le crédit foncier. La mobilisation du sol au moyen d’un papier-monnaie comptait, en 1848, de nombreux partisans dans l’assemblée constituante, où une longue délibération s’est engagée à ce sujet. Récemment encore, un des membres influens de la dernière assemblée, M. de Laboulie, soutenait devant le conseil d’état un projet de banque foncière autorisé à émettre des billets à cours forcé. Cependant ce système mérite à peine une réfutation. Les propriétaires obérés, avons-nous dit, paient actuellement de 6 à 9 pour 100 d’intérêt, sans amortir leurs dettes. Supposons qu’on mette à leur disposition des billets qui ne leur coûteront plus que 6 pour 100 avec l’amortissement, billets que les créanciers n’auront pas le droit de refuser ; n’est-il pas évident que tout débiteur va s’empresser de se libérer ? D’un autre côté, beaucoup de propriétaires qui ne doivent rien profiteront de la circonstance pour réparer leurs maisons, pour améliorer leurs cultures, dans l’espoir d’en augmenter les revenus. Voilà donc les deux ou trois milliards de numéraire en circulation augmentés tout à coup de plusieurs autres milliards par la profusion des billets dont l’acceptation est obligatoire. Or, si ce papier se soutenait au pair, les prix de toutes les marchandises et de tous les services ne tarderaient