Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/925

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

droits du trésor et les émolumens des officiers ministériels. Dans les états de frais, il y a des droits proportionnels seulement à l’importance de la somme, mais non pas à la durée du prêt : il y a des droits fixes qui pèsent d’un poids égal sur tous les emprunts, de sorte que le sacrifice à subir est d’autant plus considérable que la somme est plus faible, et que la durée du contrat est plus courte. Par exemple, il est démontré qu’une somme de 500 francs empruntée pour trois ans subirait une surcharge d’au moins 4 pour 100 pour l’impôt et les frais d’acte, indépendamment des 5 ou 6 pour 100 à payer pour l’intérêt : total, 10 pour 100.

Si le sort du propriétaire endetté est triste, celui de son créancier n’est pas non plus attrayant. D’abord il se dessaisit de son argent pour une période assez longue, et s’interdit les chances de bénéfices que pourrait lui procurer dans l’intervalle un placement plus avantageux. Il ne lui serait pas impossible, à la rigueur, de réaliser son capital en transférant sa créance, mais ce serait à la condition de faire renouveler les actes authentiques, et de subir à son tour des frais qui le mettraient en perte.

Ce n’est pas tout. « En France, a dit M. Dupin, dont M. Chegaray cite les énergiques paroles, celui qui achète n’est pas sûr d’être propriétaire, celui qui prête sur hypothèque n’est pas sûr d’être pavé. » Cela tient d’abord à ce que les inscriptions ne sont pas centralisées[1]. Indépendamment des hypothèques résultant des transactions, enregistrées et valables par ordre de date, le code français admet des créances privilégiées et occultes, des hypothèques légales, dispensées de l’inscription et primant toutes les autres. Les auteurs du code civil n’ont pas voulu que les droits des femmes, des mineurs et du fisc dépendissent d’une formalité d’enregistrement que leurs agens pourraient négliger. Cette décision a été fort applaudie, parce qu’elle répond à un vague sentiment de générosité naturelle ; mais elle est fort ébranlée aujourd’hui, ainsi que le prouve ce concert de voix qui s’est élevé en ces derniers temps pour demander la réforme hypothécaire.

Comment conserver des doutes sur les vices du système français, quand on voit que le principe opposé est appliqué sans inconvéniens dans le reste de l’Europe, et que la plupart des pays qui ont adopté notre code civil l’ont modifié sur ce point ? Dans les divers états italiens, on est parvenu à concilier, d’une manière plus ou moins complète, la sûreté des transactions avec les garanties destinées à protéger

  1. « Celui qui traite avec une personne qui se présente comme propriétaire d’un immeuble n’a nul moyen de s’assurer que cette personne ne s’est pas, par un acte enregistré dans l’un des trois mille bureaux de France, déjà dépouillée de la propriété qu’elle prétend vendre ou hypothéquer. » Déposition de M. Glandaz, avoué, devant le conseil d’état.