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si l’on veut éviter de nouvelles catastrophes : c’est de rentrer dans les voies de 1846, et, à tout prix, de réaliser la réforme administrative.

Nous n’ignorons pas que cette conclusion n’est guère du goût des partis.— Prenez garde, disent les rétrogrades, c’est la voie néfaste qui mène, par une pente irrésistible, à la révolution, à l’exil, à la mort. Les rétrogrades se trompent, ou veulent tromper quelqu’un. Ce n’est pas la réforme administrative qui a perdu Pie IX ; le seul bruit qu’il allait l’accomplir a centuplé son autorité : c’est la révolution politique. Mais que la réforme d’une mauvaise administration soit, entre des mains fermes et sages, la cause fatale d’un changement violent de gouvernement, cela ne vaut pas la peine d’être discuté. Qu’avec le temps, beaucoup de temps, la réorganisation de la société civile ayant formé les mœurs publiques des États de l’Église, il vienne un jour où non-seulement il n’y ait plus de péril, mais où il commence à y avoir avantage pour le gouvernement pontifical à appeler ses sujets à participer au pouvoir politique, c’est possible, mais il n’est pas d’esprit éclairé qui puisse trouver à cela rien d’effrayant. — Les révolutionnaires, du côté opposé, traitent la réforme avec un mépris affecté et superbe. Cela se conçoit de reste ; mais il n’y a pas à discuter avec eux : ils veulent la destruction de la papauté, nous voulons son maintien. Si nous ne parlons pas une langue commune, il est impossible de parvenir à nous entendre. — Enfin les constitutionnels ardens, eux aussi, repoussent la réforme administrative, ou plutôt ils en déclarent toutes les promesses illusoires, tant qu’elle ne sera pas accompagnée d’un changement de régime politique. Ils avouent que la raison et la logique demandent qu’on réorganise la société civile avant de modifier la constitution de l’état ; ils confessent que la participation d’un peuple aux fonctions administratives est ordinairement la meilleure école où il se puisse former à la science et à la pratique du gouvernement ; mais tous ces raisonnemens, ajoutent-ils, admirables partout, sont oiseux à Rome. En effet, comment demander à une classe d’hommes en possession privilégiée de tous les emplois administratifs, aussi bien que de toutes les charges politiques, d’abdiquer, et, pour ainsi dire, de se suicider elle-même ? Peut-on raisonnablement attendre du clergé des États de l’Église une autre nuit du 4 août ? Est-il sensé d’espérer qu’une réforme confiée à des hommes qui ne doivent y trouver que la ruine de leurs privilèges et l’abaissement de leur influence soit jamais réalisée ? Et, en démonstration de leur thèse, ils rappellent les motu proprio, les proclamations, les promesses formelles, et aussi inutiles que formelles, non-seulement de 1816 et de 1831, mais même de 1847. Ils concluent enfin qu’à home, à la différence de tous les pays du monde, la réforme du gouvernement doit précéder celle de l’administration, sous peine de voir cette dernière rester toujours à l’état de rêve. Nous l’avouons