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vers le jardin, où même alors, tous les travaux étant ailleurs suspendus, le maître du château envoyait chaque jour quelque ouvrier. Sandy, le vieux domestique, était là, occupé à réparer une fontaine de pierre que la gelée avait fait éclater. Le petit Owen le regardait travailler avec une sollicitude nonchalante.

— Allons donc, petit paresseux !… ne voyez-vous pas qu’on attend, et ne pourriez-vous ouvrir la porte ? lui cria David impatienté. L’enfant se retourna vivement

— Je ne suis pas portier, répliqua-t-il d’un ton assez brusque.

— Vous ou un autre, il y a sans doute quelqu’un pour faire ce service.

Une fenêtre de la lodge s’ouvrit alors, et Bridget Owen, s’y montrant, jeta la clé de l’avenue aux pieds du vieux Sandy, qui justement venait de soulever un pan de maçonnerie, et, les mains occupées, ne put la ramasser aussitôt. L’enfant, d’ailleurs, ne lui en laissa pas le temps ; il sauta sur la clé, et, la lançant sur le chemin

— Tenez, beau lord d’Ardlockie, ouvrez la porte vous-même ! criat-il à David avec une grimace significative.

Le projectile improvisé vint frapper un des pieds du cheval d’Eleanor, qui, déjà impatient, battait et pétrissait la neige. Cet animal, effarouché, fit un écart, puis lança coup sur coup deux violentes ruades et allait, à coup sûr, s’emporter, sans l’adresse que mit David à se saisir de la bride, qu’Eleanor avait laissée aller. Le groom qui les suivait accourut alors, et David put aider Eleanor à mettre pied à terre.

Un peu remis de son émotion, mais indigné que l’insolence d’un gamin eût fait courir de tels dangers à lady Penrhyn : — Vous mériteriez, cria-t-il au jeune drôle, qu’on vous cravachât vertement.

L’enfant se mit à rire. — Vous en chargeriez-vous ? demanda-t-il ensuite.

— Moi tout comme un autre… Et David, franchissant la haie, s’élança sans entendre Eleanor, qui, d’une voix étouffée par la crainte, le suppliait de s’arrêter. Elle comprenait, et il était difficile qu’il comprît, à quelles extrémités tout cela pouvait conduire.

Le jeune Oweh ne recula pas d’une semelle devant David, qui arrivait sur lui la cravache levée ; ses beaux yeux noirs n’exprimaient que la colère.

— Demandez pardon à votre maîtresse, lui dit Stuart quand il l’eut rejoint et saisi par le collet de sa veste… Il faut vous apprendre, petit malheureux, ce que valent de pareils tours… Demandez pardon, ou vous serez fouetté d’importance.

— Fouetté ! reprit l’enfant avec l’accent du défi, et tremblant de fureur, non de crainte… fouetté !… Maman !… maman !… courez dire, à sir Stephen que le laird d’Ardlockie veut me frapper.