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jusqu’ici, dans le pontificat de Pie IX, les lois de cette mathématique historique, certaines comme celles de la mécanique céleste, qui, sous l’empire des mêmes erreurs, de la libre activité de l’homme, ramènent toujours, en en changeant seulement les aventures et les héros, les mêmes suites de déceptions. Ainsi une réforme administrative généreusement conçue, imprudemment conduite, s’est transformée en une révolution politique ; ainsi la révolution politique, impuissante à se gouverner, a enfanté l’anarchie ; ainsi enfin l’anarchie à son tour a produit la réaction. Fatalité terrible, qui ne laisserait aux ames généreuses qu’à gémir sur la triste destinée d’un pontificat lui promettait d’être si grand, si Pie IX lui-même n’était encore là pour nous rassurer sur l’avenir ! C’est sur cette idée consolante et ces perspectives plus douces qu’il convient, en terminant, de laisser le lecteur reposer son esprit. L’histoire de la période de réaction qui malheureusement dure toujours à Rome, et il y a plus de deux ans qu’elle est ouverte, ne serait faite que pour attrister les ames élevées et pour troubler les esprits clairvoyans. Tournons ces pages douloureuses, et confions-nous en ce Dieu tout-puissant qui ne saurait avoir donné Pie IX à la civilisation et à la liberté pour en opprimer la cause après l’avoir enivrée d’espérance, mais pour la servir et pour la sauver.


II

Nous vivons dans un siècle où les idées et les événemens ont plutôt l’air de courir que de marcher. Il faut se hâter aujourd’hui d’être sage ; le mouvement qui emporte le monde est si rapide, que demain peut-être il ne serait plus temps. Jamais l’énergique parole de saint Paul ne fut de plus de mise : Prceterit figura mundi. Les hommes et les affaires passent comme des ombres. Il n’est plus le temps des longs espoirs, des vastes horizons, des quiétudes profondes. Il y a bien des siècles qu’il n’avait fallu penser, ni se résoudre aussi vite. Rien de plus propre que l’histoire du gouvernement romain depuis 1841 à montrer cette vérité, devenue banale à force d’avoir été confirmée par les révolutions. Peu d’époques abondent, dans un espace de temps aussi pressé et aussi court, en leçons de tout genre, de philosophie comme de conduite, à l’adresse du penseur et de l’homme d’état. Ces leçons, du reste, sont fort claires, car les événemens dont les États de l’Église ont été le théâtre durant le pontificat de Pie IX portent leur enseignement avec eux-mêmes. Quelques mots suffiront à exprimer l’évidente moralité qu’ils enferment.

Quatre systèmes de gouvernement, ainsi qu’on l’a vu, ont été mis en œuvre, et ont également péri à Rome dans l’espace des six dernières