Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne pouvait consentir à ce que les Napolitains leurs alliés prissent seuls part à la restauration pontificale. Elle s’y refusa formellement. L’Autriche, de son côté, repoussa l’intervention piémontaise comme un acte d’hostilité personnelle. Au milieu de ces pourparlers, le cardinal Antonelli, le 18 février 1849, adressa au corps diplomatique réuni à Gaëte une note circulaire où il réclama officiellement le secours de l’Autriche, de la France, de l’Espagne, des Deux-Siciles, mais en termes généraux, qui laissèrent dans l’incertitude, sinon les tendances préférées de la cour de Gaëte, au moins sa décision finale. Les événemens se précipitaient de telle sorte cependant, que bientôt il allait falloir prendre un parti. La France, dans un esprit de conciliation élevé et désintéressé, alla, dit-on, jusqu’à proposer que le rétablissement du gouvernement du saint-siège se fît de concert par les armes napolitaines et piémontaises. Si l’on songe que, dans le même temps, les Autrichiens étaient déjà à Bologne, on conviendra qu’en agissant ainsi, le cabinet français faisait de grandes avances, sinon de grands sacrifices à la politique de la paix. Mais bientôt on apprit à Paris, à n’en pas douter, qu’on était menacé, si l’on ne se hâtait pas, d’être surpris par les événemens. La résolution de les prévenir fut aussitôt arrêtée. Le 24 avril, un corps d’opération, commandé par le général Oudinot, débarquait à Civita-Vecchia, et deux mois plus tard, le 3 juillet, après un siége en règle, qu’avait rendu nécessaire la folle obstination des révolutionnaires qui l’opprimaient, Rome était délivrée de l’anarchie et rendue au saint-siège.

Nous sommes trop près de l’expédition de Rome pour porter sur les motifs qui l’ont décidée et sur la manière dont elle a été conduite un jugement libre d’esprit de parti. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que cette entreprise, très sévèrement jugée en France et très anal comprise en Italie, avait trois grands buts : d’abord la restauration du souverain pontife, ensuite le maintien ou plutôt le rétablissement de l’équilibre européen, compromis dans la péninsule par les progrès des Autrichiens dans les Légations et en Toscane, et enfin la défense de la liberté à Rome contre les anarchistes qui la déshonoraient d’une part, et contre les rétrogrades qui se proposaient de l’étouffer de l’autre.

De ces trois buts, les deux premiers étaient atteints le 3 juillet. Quelle a été jusqu’ici la destinée des efforts de la France pour parvenir au troisième ? Fort malheureuse. Une époque nouvelle, qui dure encore, a commencé, le lendemain de la prise de Rome par les troupes françaises, dans l’histoire du règne de Pie IX ; pourquoi faut-il qu’elle n’ait rien tenu de ce que les amis éclairés de la religion en attendaient ! Le drapeau, le mot, le cri de la première époque avait été : Réforme ; celui de la seconde : Liberté ; celui de la troisième : Anarchie ; le mot de l’époque courante n’est rien que : Réaction ! Ainsi se sont appliquées