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Stanley, devenu comte de Derby, de former un ministère, et, après avoir reçu ce mandat, la première démarche du comte de Derby a été pour M. Disraeli, la seconde pour lord Palmerston : ce qui annonce que lord Palmerston n’est peut-être pas éloigné d’entrer dans un ministère tory, ou, en tout cas, qu’il se ressouvient d’avoir été le collègue et l’ami de Canning, et que le nouveau ministère tory ne doit point le compter parmi ses adversaires. Voilà ce que n’avait pas prévu l’ingénu député de Londres et les fruits que porte le capital speech d’un diplomate.

La troisième lecture du bill de sir Robert Peel n’eut lieu, comme lord George Bentinck l’avait voulu, qu’après les vacances de Pâques. C’était un succès. Ces longs tiraillemens révélèrent la vitalité du nouveau parti conservateur et la faiblesse du cabinet. Sir Robert Peel éprouvait lui-même les inconvéniens de la confusion où il avait jeté les partis ; il n’avait plus de majorité homogène et fixe ; il ne disposait que de cent voix, pressé entre ses anciens adversaires, les whigs et les radicaux, devenus ses amis de passade, et ses anciens amis, les protectionistes, devenus ses adversaires invétérés. Cet homme illustre opposa des prodiges de talent à ces tristes tracasseries ; mais il était blessé au cœur il sentait que la direction de la chambre des communes, de cette chambre dont il avait si long-temps été le leader le plus habile et le mieux obéi, et dont il jouait naguère, suivant le mot de M. Disraeli, comme d’un vieux violon, lui échappait. Plus d’une fois son juste orgueil ne suffit point à cacher son découragement. L’état de son ame se trahit un jour par une distraction étrange. Plongé dans d’absorbantes réflexions, à la suite d’une séance orageuse, il resta pensif sur son banc, sans s’apercevoir que la séance était finie. La nuit était avancée ; les bancs se dégarnirent promptement. Plusieurs de ses collègues errèrent autour de lui ; mais, connaissant l’irritabilité d’humeur que ses récentes contrariétés lui avaient donnée, et craignant quelque brusquerie, ils n’osèrent l’avertir et s’éloignèrent à leur tour. Sir Robert Peel était seul dans la chambre : on allait éteindre les lumières. Le grand homme d’état ne fut tiré de sa rêverie que par l’huissier qui vient ordinairement inspecter la salle avant d’en fermer les portes.

Le drame passa par l’imbroglio du quatrième acte avant d’arriver à la péripétie du cinquième.

Le ministère avait présenté au commencement de la session un bill réclamé par l’état violent où se trouvait alors l’Irlande. C’était une sorte de loi martiale ; lord George Bentinck l’appela la loi du couvre-feu. Ce bill, rapidement voté par la chambre des lords, était arrivé de bonne heure à la chambre des communes. Il y eut une délibération dans le conseil des protectionistes sur la conduite à tenir vis-à-vis de cette loi. M. Disraeli pensa qu’il fallait la rejeter, sous prétexte qu’étant une