Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/812

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je ne me soucie ni de la position ni de la destinée d’un homme qui n’a jamais une idée originale, — qui épie toutes les variations de l’atmosphère, et cherche uniquement à se mettre sous le vent. Un tel personnage peut être un ministre fort puissant, mais il n’est pas plus un grand homme d’état que le valet qui monte derrière la voiture n’est un grand cocher. (Acclamations et éclats de rire.) Tous deux sont disciples du progrès et ont peut-être de bonnes places ; c’est tout ce qu’ils ont de commun. » M. Disraeli revint encore sur le dogme de la fidélité due par les hommes publics à leur parti : « Comme membres de la chambre des communes et sujets d’un gouvernement populaire, c’est notre droit et notre devoir de demander par quel mécanisme le très honorable gentleman est monté à la position qu’il occupe, et du haut de laquelle il gourmande si dédaigneusement ses anciens amis. Nous nous souvenons bien, — de ce côté de la chambre, et non peut-être sans rougir, — des efforts que nous avons faits pour le porter au banc où il siège. Qui ne se rappelle la politique que l’honorable gentleman soutenait alors, la cause sacrée de la protection ? la cause pour laquelle on a fait violence à des souverains, dissous des parlemens et mis dedans tout un peuple ! (Applaudissemens et rire.) Il est fort agréable sans doute d’entendre le très honorable gentleman parler, comme il vient de le faire, de ses relations avec les souverains. Il rend des visites à la reine ! Mais quelle est la reine qui aurait appelé auprès d’elle le très honorable baronnet, si, en 1841, il n’avait été placé à la tête des gentlemen d’Angleterre (bruyans applaudissemens), position bien connue pour être préférable à la confiance des souverains et des cours ? Je ne peux souffrir, quant à moi, qu’un homme vienne ici et dise : « Je gouvernerai sans égard pour les partis, quoique je me sois élevé au moyen des partis, et je ne me soucie pas de votre jugement, parce que j’attends la postérité ! » Fort peu de gens, monsieur, arrivent à la postérité ; quels sont ceux d’entre nous qui y parviendront ? Je n’ai pas la prétention de le prédire. La postérité est une assemblée très exclusive. Les hommes qu’elle admet ne sont guère plus nombreux que les planètes. Mais une chose est évidente, c’est que, tandis que nous admettons les principes du commerce émancipé, il y a un extrême danger que nous ne laissions passer le relâchement de la discipline politique. Je vous conjure donc tous, quelles que soient vos opinions sur le commerce libre, de vous opposer à l’inauguration de la politique libre. Juste ou erroné, que chacun se maintienne ou tombe avec le principe qui l’a élevé. Un ministre qui, est dans la position de l’honorable gentleman n’est pas le ministre qui devait abroger les corn-laws. La renommée de la grande majorité de cette chambre dépend du maintien de nos institutions parlementaires et non de la durée du ministère. Lorsque vous voyez un grand personnage abandonner ses opinions, ne