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la Jeune-Italie, une association secrète, dont les premiers membres furent les proscrits de la Romagne de 1831, et à laquelle il donna une organisation tenant à la fois des mœurs mystiques de l’esprit de secte et des habitudes de la discipline militaire. Le programme de cette association fut à la fois religieux, national, social et politique. En religion, les sectaires, sous une forme nuageuse et vague comme l’imagination de leur chef, se proposaient quelque chose d’assez semblable, quoique sous des termes nouveaux, à la théophilanthropie du dernier siècle ; cette religion se, composait de deux termes, également en objet de vénération réelle ou affectée de la part des fidèles Dieu et le peuple. C’était ensuite non-seulement le recouvrement de l’indépendance de la péninsule, mais sa reconstitution nationale que se proposait la Jeune-Italie ; l’esprit de cette reconstitution était l’unité et la centralisation : sur le sol de la patrie, délivré à jamais de l’occupation étrangère, en devait reconstruire à Rome, dans la Rome du peuple succédant à la Rome des papes, comme celle-ci avait succédé à la Rome des Césars, un seul état italien s’étendant de la Sicile au Tyrol d’une part, de l’Adriatique aux Alpes de l’autre ; la constitution sociale de l’état devait être la démocratie pure, la forme de son gouvernement la république.

Quant au moyen d’atteindre ce vaste but, M. Mazzini n’en montra qu’un à ses adeptes, ce fut la révolution universelle. Guerre à l’Autriche, guerre à l’Europe ou complice ou gardienne des traités enchaînant l’Italie ; guerre à tous les gouvernemens, depuis celui des papes, jusqu’à celui du plus petit prince italien ou allemand, à tous ces gouvernemens qui en principe représentent l’idée et le système monarchiques ; alliance avec tous les émigrés, tous les révoltés, tous les sectaires, tous les mécontens de tous les pays ; conspiration éternelle, incessante, implacable, insaisissable en même temps, contre la société européenne toute entière : tel fut le programme de la Jeune-Italie. Seize ans durant, par elle-même ou par ses alliés, cette association de désordre eut la main dans tous les mouvemens qui, d’un bout de l’Europe à l’autre, agitèrent les sociétés et ébranlèrent les gouvernemens. L’avènement au saint-siège d’un pape réformateur, dans l’été de 1846, un moment d’abord lui fit peur. M. Mazzini trembla que le génie politique du pontife n’égalât sa clémence : il vit clairement que si Pie IX trouvait un homme d’état pour exécuter ses généreux desseins, la Jeune-Italie et l’effroyable révolution qu’elle espérait étaient perdues ; mais bientôt les lenteurs du gouvernement du saint-siège le rassurèrent : il pressentit que cette réforme glisserait aux mains débiles des cardinaux Gizzi et Ferretti, et que peut-être elle provoquerait une révolution. Il ne songea plus qu’à l’exploiter. Vers la fin de 1847, étant alors, comme aujourd’hui, à Londres, il publia un écrit adressé