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l’énormité. Dans tous les cas, c’est abuser plus qu’il n’est permis, même à des contrefacteurs, des moyens de publicité qu’on croit avoir loin des fondateurs d’une entreprise littéraire honorable, afin de surprendre la bonne foi du public. Pour le mettre en garde contre de pareilles supercheries, une réponse est donc nécessaire.

Nous prions d’abord les hommes éclairés de l’Allemagne de comparer les deux éditions originales que nous envoyons à Leipzig[1] avec la contrefaçon Cans et Meline, imprimée sur méchant papier, paraissant beaucoup plus tard, contenant souvent des suppressions ou des additions que nous désavouons et que nous dénonçons au jugement de l’Europe lettrée. Que l’on prenne pour point de comparaison même notre petite édition, destinée à remplacer la contrefaçon belge, et on verra la distance qui sépare l’édition originale de la contrefaçon, indigne de figurer dans une bibliothèque.

Les contrefacteurs Cans et Meline prétendent contrefaire nos cartes et nos portraits ! Mais on ne peut contrefaire des œuvres d’art comme on contrefait, quoique fort grossièrement, une œuvre d’impression ordinaire. On ne contrefait pas surtout en dix ou quinze jours des cartes ou des portraits gravés par les premiers artistes de France, et qui leur demandent souvent trois ou quatre mois de travail. Cela est si vrai, que nous mettons les contrefacteurs au défi de donner les portraits que nous allons faire paraître, à partir du 15 mars prochain, dans nos livraisons, avec des articles biographiques et littéraires. Il est facile de voir, en effet, que le temps manquera aux contrefacteurs Cans et Meline pour faire la contrefaçon la plus grossière de ces cartes et de ces portraits. De deux choses l’une, ou les contrefacteurs reproduiront nos articles biographiques et littéraires sans les portraits, ou ils seront forcés de retarder la publication de leur contrefaçon pour donner une misérable lithographie de nos gravures. Les contrefacteurs Cans et Meline trompent donc sciemment le public allemand en faisant des promesses qu’ils sont dans l’impossibilité matérielle de tenir. En veut-on une preuve d’ailleurs ? Nous prenons pour juges les lecteurs mêmes de la contrefaçon belge. La Revue des Deux Mondes du 15 janvier dernier contenait une belle carte des Côtes de Chine, gravée par M. Jacobs, graveur du ministère de la marine, et accompagnant le curieux voyage de M. le capitaine de vaisseau Jurien de la Gravière. La contrefaçon de Bruxelles de notre n° du 15 janvier ne contenait pas la carte. Si les contrefacteurs donnent plus tard cette carte des Côtes de Chine, ce ne peut être qu’un décalquage, une lithographie, vaille que vaille, exécutée après coup et ne paraissant pas en même temps que le texte.

Que sera-ce donc quand il faudra contrefaire des portraits qui demandent tout le talent, tout le tact et toute la délicate patience du peintre et du graveur ? La contrefaçon belge, qui n’est pas assez riche ou qui n’est pas assez honnête (nous lui laissons le choix) pour payer le travail et les œuvres des écrivains qu’elle reproduit, est encore moins en mesure ou moins en humeur de consacrer 1,500 ou 2,000 francs à l’exécution de chaque portrait, ainsi que le fait la direction de la Revue pour l’édition originale. Ce dont est capable en ce genre cette triste industrie, on peut déjà le voir en comparant nos portraits

  1. Chez MM. Michelsen et Twietmeyer.