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anglaise, sans se montrer extérieurement très enthousiaste en faveur du parti tory, lui est beaucoup moins hostile qu’il ne l’était naguère, et dans quelques mois peut-être lui sera-t-il tout-à-fait sympathique.

Tout annonce que la session de 1852 sera plus rude encore pour le ministère que la session de 1851, à moins que la chambre des communes ne soit dissoute. D’un côté, nous l’avons dit, il est faiblement détendu ; de l’autre, il sera attaqué avec ardeur par les tories, impatiens de le renverser. Tout innocent qu’il soit, le bill de réforme peut prolonger l’existence du ministère de lord John Russell, car la valeur de ce bill n’est pas dans l’abaissement du cens qu’il proclame, ou dans la destruction de quelques collèges électoraux : elle consiste dans la dissolution du parlement qu’elle contient implicitement. Une fois que le parlement aura voté ce bill (comme cela est probable), il aura signé son abdication, à moins cependant que quelque esprit moqueur sur les bancs de la droite ou de la gauche, M. Disraëli ou M. Roëbuck, ne vienne déclarer qu’en votant ce bill, la chambre n’a pas déclaré vicieuse l’ancienne loi électorale, mais l’a votée et sanctionnée une seconde fois, et en a proclamé l’excellence sous une nouvelle forme. Le nouveau bill de réforme, en effet, n’est pas une innovation électorale : c’est un appendice au bill de 1831 ; il n’y faut voir que les corrections toujours inévitables d’un auteur qui chérit ses ouvrages. Lord John Russell revoit et corrige avec soin les titres politiques de sa gloire passée. Ces jours derniers, on le lui a redit gaiement et sans amertume, car la réforme électorale laisse tout le monde fort indifférent ; la guerre des Cafres et la politique de l’Europe éveillent plus de passions aujourd’hui que les questions intérieures. Le bill de réforme aura l’avantage inappréciable de ne mécontenter personne et de contenter quelques individus ; ce ne sont pas de nouveaux intérêts qu’il fait entrer sur la scène politique, il grossit seulement les armées respectives des anciens intérêts. Si l’école de Manchester n’y gagne pas grand’ chose, en revanche les tories n’y perdront rien. Et en somme, à moins d’incidens imprévus dans la discussion, ce bill ne changera rien à la position du cabinet. Après comme avant le vote, ce ministère ne se trouvera ni plus fort ni plus faible. Il en sera de cette discussion comme de la discussion sur le renvoi de lord Palmerston ; elle n’embrouillera pas la situation, et elle ne l’éclaircira point.

Nous n’avons que peu de chose à dire sur ce débat, où l’arrogant politique qui avait éveillé toutes les susceptibilités de l’Europe a paru si résigné et si humble. Les explications de lord Palmerston ont été assez peu satisfaisantes. Il reste acquis cependant que l’ambassadeur d’Angleterre à Paris avait été, par une indiscrétion très concevable d’ailleurs, l’innocent auteur de la chute de l’ancien ministre des affaires étrangères. Est-ce pour ce motif que le marquis de Normanby a été rappelé à Londres, et, pour le demander en passant, a-t-il été offert en victime expiatoire à lord Palmerston, ou est-ce la politique de lord Palmerston que l’on poursuit encore après sa retraite dans la personne de son ancien ambassadeur ? Lord John Russell n’a exposé que les faits déjà connus : il a accusé lord Palmerston d’avoir péché trop souvent par insubordination. Lord Palmerston a reconnu que la soumission d’un ministre des affaires étrangères à un premier ministre devait bien être celle dont sir John Russell avait parlé, et s’est borné à se disculper d’avoir jamais manqué ou voulu manquer