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à l’Europe, déchéance du pape, gouvernement provisoire, et tout ce qu’il est d’usage à l’esprit révolutionnaire dans ces sortes de circonstances d’employer de violent et d’absurde. Le parlement, effrayé, essaya de gagner du temps. Sur la proposition d’un constitutionnel qui était ardent, mais courageux, M. Pantaleoni, et qui remontra énergiquement, seul moyen de sauver alors la situation, qu’au peuple seul, source de toute souveraineté, appartenait le droit de choisir son gouvernement on nomma une commission de cinq membres chargée, disait le texte du mandat conféré à ces commissaires, d’aviser aux difficultés publiques.

Trois jours après, le 11 décembre, la commission faisait son rapport et déclarait qu’elle n’avait rien trouvé d’expédient ou de possible, sinon de nommer, à titre provisoire, une junte suprême d’état, composée de trois personnes choisies hors de la chambre des députés, et nommées par cette chambre à la majorité absolue des suffrages. La junte devait remplir, suivant les formes du droit constitutionnel, toutes les fonctions du pouvoir exécutif, au nom et jusqu’au retour du pape absent : hypocrisie suprême de langage qui ne couvrait rien, et qui elle-même devait bientôt disparaître. Les clubs triomphaient : ils avaient un gouvernement provisoire, et, de fait, la papauté était déchue ; il ne restait plus, le soir du 11 décembre, qu’à consacrer cette déchéance par un vote.

Le sénateur de Rome, M. Corsini, le sénateur de Bologne, M. Zucchini, et le gonfalonier d’Ancône, le comte Philippe Camerata, furent les trois membres de la junte. Ils avaient une modération relative qui devait rendre leur puissance réelle insignifiante et leur autorité nominale également odieuse à la cour de Gaëte et aux clubs. Le cardinal Antonelli, devenu dans l’exil du saint père son premier ministre, signifia à la junte une note dans laquelle il qualifia son existence de monstrueuse ; Pie IX, à la note du cardinal, joignit une protestation en date du 17 décembre, dans laquelle il la condamna comme un sacrilège.

De leur côté les républicains, car dès-lors ils prenaient ostensiblement ce nom, voyaient dans le choix fait par la chambre des députés un caractère de modérantisme dont ils se montraient fort courroucés. On avait, disaient-ils, témérairement usurpé les droits du peuple. Tous les agitateurs de l’Italie, qui s’étaient donné rendez-vous à Rome, soulevaient à qui mieux mieux les esprits. Parmi eux se faisait remarquer un partisan célèbre à qui sa renommée ; son courage et son audace donnaient un grand ascendant sur la foule, Garibaldi. Les clubs provoquaient rassemblemens sur rassemblemens, où ils faisaient crier vive la constituante ! vive la république ! M. Mamiani essayait de combattre cette pression des sociétés secrètes et de la rue : il convoquait la garde nationale et appelait la force militaire au secours du parlement ;