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extrêmes, des Huns ; ceux-ci le savent bien. Il est arrivé autrefois que, pendant une famine qui les décimait sans qu’ils pussent tirer des subsistances de l’empire romain, parce qu’ils étaient en guerre avec lui, deux de leurs princes tentèrent de s’en procurer du côté de l’Asie. Ils poussèrent, à travers une région déserte, jusqu’au bord d’un marais que je crois être le marais Méotide ; puis, quinze journées de marche les amenèrent au pied de hautes montagnes qu’ils gravirent, et ils se trouvèrent en Médie. Le pays était fertile ; les Huns y firent la moisson tout à leur aise, et ils avaient déjà réuni un butin immense quand un jour les Perses arrivèrent et obscurcirent le ciel de leurs flèches. Les Huns, pris à l’improviste et abandonnant tout, firent retraite par un autre chemin, et il advint que ce nouveau passage les conduisit également dans leur pays. Maintenant, supposez qu’il prenne fantaisie au roi Attila de renouveler cette campagne ; Mèdes et Perses ne lui coûteront à conquérir ni beaucoup de fatigues, ni beaucoup de temps, car aucun peuple de la terre ne peut résister à ses armées. » Les Romains suivaient avec une curiosité mêlée d’appréhension le récit du comte Romulus, qui avait visité tant de pays et pris part à tant d’événemens. Un des interlocuteurs ayant exprimé le vœu qu’Attila se jetât dans cette guerre lointaine pour laisser respirer l’empire romain : « Prenons garde, au contraire, dit Constanciolus, qu’après avoir subjugué les Perses, et ce ne sera pas difficile pour lui, il ne revienne vers nous, non plus en ami, mais en maître. Aujourd’hui il se contente de recevoir l’or que nous lui donnons comme un salaire attaché à son titre de général romain ; quand il aura mis la Perse sous ses pieds, et que l’empire romain restera seul debout en face de lui, pensez-vous qu’il le ménage ? Déjà il souffre impatiemment ce titre de général que nous lui donnons pour lui dénier celui de roi, et on l’a entendu s’écrier avec indignation qu’il avait autour de lui des esclaves qui valaient les généraux romains, et des généraux huns qui valaient les empereurs. » Cette conversation, dans laquelle les représentans du monde civilisé se communiquaient leurs sombres pressentimens et candissaient à qui mieux mieux l’homme qui suspendait la destruction sur leur patrie, fut interrompue brusquement. Onégèse vint signifier à Priscus qu’Attila ne recevrait plus désormais pour ambassadeurs que trois personnages consulaires qu’il lui nomma : Anatolius était l’un des trois. Priscus, sans songer qu’il mettait son propre gouvernement en contradiction avec lui-même, fit observer que désigner ainsi certains hommes, c’était les rendre suspects à leur souverain ; Onégèse ne répondit que ces mots : « Il le faut, ou la guerre. » Priscus regagnait tristement son quartier, quand il rencontra le père d’Oreste, Tatullus, qui venait informer l’ambassadeur et lui qu’Attila les invitait