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réponse qu’il se proposait de faire à la lettre de l’empereur. Il n’oublia pas non plus de réclamer les présens qu’on lui avait destinés. L’audience finit là.

Cette scène, qui laissa les Romains tout émus, fut l’unique sujet de leur conversation à leur retour au quartier. Vigilas ne concevait pas que le même homme dont il avait éprouvé la bienveillance, il y avait à peine une année, eût pu le traiter d’une façon si ignominieuse, et son esprit se torturait pour en deviner la cause. Priscus la trouvait dans l’aventure du dîner de Sardique, dans ce propos imprudent de Vigilas, dont les Barbares n’avaient pas manqué de faire rapport à leur roi ; Maximin, qui n’entrevoyait aucune autre raison que celle-là, appuyait l’avis de son ami ; mais Vigilas secouait la tête et ne paraissait pas convaincu. Survint Édécon, qui l’emmena en particulier et causa quelque temps avec lui. Cette démarche avait pour but de rassurer l’interprète sur ce qui venait de se passer, et de lui dire que tout se préparait à merveille pour le succès du complot : Édécon maintenant osait en répondre, et ce voyage procurait à Vigilas une occasion inespérée de tenir au courant Chrysaphius et de rapporter l’argent dont ils avaient besoin. L’interprète, remonté par ces explications, avait repris tout son calme quand il rejoignit ses collègues, et aux questions que ceux-ci s’empressèrent de lui adresser il se contenta de répondre que l’affaire des transfuges agitait seule Attila, qui ferait la guerre infailliblement, si on ne lui donnait satisfaction. Sur ces entrefaites, des messagers entrèrent dans le quartier de l’ambassade et proclamèrent une défense du roi à tout Romain, quel qu’il fût, de rien acheter chez les Huns, ni chevaux, ni bêtes de somme, ni esclaves barbares, ni captifs romains, rien, en un mot, hormis les choses indispensables à la vie, et ce jusqu’à la conclusion des difficultés pendantes entre les deux nations. La défense fut signifiée à l’ambassadeur, Vigilas présent. C’était, comme on le pense bien, une ruse d’Attila pour enlever d’avance à l’interprète tout prétexte plausible d’introduire une forte somme d’argent dans ses états.

Attila ne parlait plus de sa chasse aux bêtes fauves en Pannonie depuis qu’il en avait rencontré une autre plus à son goût. Désireux de suivre sans préoccupation la piste de Vigilas et d’observer à loisir les démarches de l’ambassadeur qu’il gardait provisoirement en otage, il leva son camp deux jours après cette scène, et partit pour regagner sa résidence ordinaire dans la capitale de la Hunnie. Il fit dire aux Romains de se tenir prêts à le suivre, et, au jour marqué, ceux-ci se mirent, avec leurs guides particuliers, à l’arrière-garde de l’armée des Huns. On n’avait pas fait encore beaucoup de chemin quand ces guides changèrent brusquement de direction, et s’engagèrent dans une route peu frayée, laissant l’armée continuer sa marche, et pour raison de