Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/714

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une colline assez escarpée, ils aperçurent les tentes des Barbares qui se déployaient en nombre immense à leurs pieds, et parmi elles un pavillon qu’à sa position et à sa forme ils supposèrent être celui du roi. Le lieu paraissait bon pour camper ; Maximin y fit déposer les bagages, et déjà l’on plantait les crampons et les pieux pour asseoir les tentes, quand une troupe de Barbares accourut d’en bas à bride abattue et la lance au poing. « Que faites-vous ? criaient-ils d’un ton menaçant ; oseriez-vous bien placer vos tentes sur la hauteur, quand celle d’Attila est dans la plaine ? » Les Romains replièrent bien vite leurs pavillons, rebâtèrent leurs mulets et allèrent camper où ces hommes les menèrent. Ils achevaient leur installation quand survint une visite qui ne laissa pas de les étonner beaucoup : c’étaient Édécon, Oreste, Scotta et d’autres personnages notables qui leur demandèrent ce qu’ils voulaient et quel était l’objet de leur ambassade. L’indiscrétion ou le ridicule de cette question adressée à des ambassadeurs frappa tellement les Romains qu’ils en restèrent tout ébahis, et ils se regardaient l’un l’autre comme pour se consulter, quand les Huns la renouvelèrent avec insistance : « Répondez-nous, » dirent-ils à l’ambassadeur. La réponse de celui-ci fut qu’il ne devait d’explications qu’au roi, et qu’il en donnerait au roi seulement. Là-dessus Scotta parut blessé : « Il n’était point venu de son plein gré, répétait-il avec colère, et ne faisait que remplir les ordres de son maître. » Maximin protesta que, la demande vînt-elle d’Attila lui-même, il n’accepterait jamais la loi qu’on prétendait lui faire. « Un ambassadeur, dit-il avec fermeté, ne doit compte de sa mission qu’à celui près duquel son souverain l’envoie ; tel est le droit des nations, et les Huns le savent bien, eux qui ont adressé tant d’ambassades aux Romains.

Les visiteurs disparurent, mais pour revenir au bout de quelques momens, tous, sauf Édécon. Répétant alors mot pour mot à Maximin le contenu de ses instructions, ils ajoutèrent que, s’il n’apportait rien de plus, il n’avait qu’à repartir sur-le-champ. Ce fut, pour Maximin et Priscus, une énigme de plus en plus obscure ; ils en croyaient à peine leurs oreilles, et, ne pouvant comprendre comment les intérêts confiés à la conscience d’un ambassadeur, les secrets inviolables de l’empire se trouvaient ainsi divulgués à ses ennemis, ils restaient muets comme des hommes qu’un coup violent vient d’étourdir. Sortant enfin de cet état de stupeur, Maximin s’écria : « Eh bien ! que ce soient là nos instructions ou que nous en ayons d’autres, votre maître seul le connaîtra. — Partez donc, » répliquèrent-ils. Les Romains se préparèrent à partir. Vigilas, pendant qu’on faisait les bagages, avait peine à contenir sa mauvaise humeur ; il maudissait les Huns et blâmait la conduite de l’ambassadeur. « N’eût-il pas mieux valu mentir, répétait-il, que de s’en retourner honteusement sans avoir rien fait ? Je répondrais