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demanda pas ce que deviendrait, en cas de révélation ou de non succès, cet homme dont l’honnêteté devait servir de couverture au crime l’eunuque Chrysaphius avait bien d’autres soucis.

Au demeurant, l’occasion parut favorable pour se montrer fier et Romain vis-à-vis d’un ennemi que l’on ne craindrait bientôt plus. On écrivit, en réponse à la lettre d’Attila, qu’il eût à s’abstenir de tout envahissement du territoire romain au mépris des traités, et que l’empereur lui renvoyait dix-sept transfuges, les seuls qu’on eût pu découvrir dans toute l’étendue de l’empire d’Orient. C’était là la réponse écrite ; mais l’ambassadeur devait y joindre des explications verbales concernant les autres chefs de la mission d’Édécon. Il devait dire que l’empereur ne reconnaissait point à Attila le droit d’exiger des ambassadeurs consulaires, attendu que ses ancêtres ou prédécesseurs, les rois de la Scythie, s’étaient toujours contentés d’un simple envoyé, souvent même d’un messager ou d’un soldat, que sa proposition d’aller recevoir les légats romains dans les murs de Sardique n’était qu’une raillerie intolérable ; Sardique existait-elle encore ? y restait-il pierre sur pierre ? et n’était-ce pas Attila qui l’avait ruinée ? Enfin l’empereur affectait une grande froideur pour Édécon, et avertissait le roi des Huns que, s’il avait vraiment à cœur de terminer leurs différends, il devait lui envoyer Onégèse, dont Théodose acceptait d’avance l’arbitrage. Or, Onégèse était le premier ministre d’Attila. Édécon eut connaissance de ces instructions, ou du moins d’une partie de leur contenu ; Chrysaphius lui ménagea même une entrevue secrète avec l’empereur. Ainsi donc cette ambassade avait deux missions distinctes complètement étrangères l’une à l’autre, quant aux hommes et quant aux choses l’une, patente, avouée, capable d’honorer le gouvernement romain par sa fermeté ; l’autre secrète et infâme : l’ambassadeur, sans le savoir, partait flanqué d’un assassin. Maximin, craignant l’ennui d’une longue route ou sentant le besoin d’un bon conseiller, se fit adjoindre comme collègue l’historien grec Priscus, dont l’amitié lui était chère, et nous devons à cette circonstance une des relations de voyage les plus intéressantes en même temps qu’une des pages les plus instructives de l’histoire du Ve siècle.

Édécon et Maximin quittèrent en même temps Constantinople ; les deux ambassades, marchant de conserve, devaient se guider et s’assister mutuellement : les Romains sur les terres de l’empire, les Huns au-delà du Danube. Maximin faisait les honneurs du convoi en homme de cour consommé ; il avait des présens pour ses hôtes barbares, et de temps en temps il les invitât à dîner avec leur suite. Les dîners se composaient de bœufs ou de moutons fournis par les habitans, abattus, dépecés, accommodés par les serviteurs de l’ambassade. À Sardique,