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Le programme politique de M. Rossi, accepté définitivement le 16 septembre par le saint père et poursuivi par lui pendant les deux mois qu’il dura avec une activité ardente et une habileté consommée, était conçu dans les termes que voici. Le 16 septembre 1848, M. Rossi (était-ce une illusion de patriotisme ? était-ce une légitime confiance dans la supériorité de son esprit sur les difficultés des temps ?), M. Rossi donc voulait et, avec l’aide de quelques collègues fermement dévoués comme lui à la cause de la liberté, croyait pouvoir : 1° accomplir la réorganisation civile des États Romains ; 2° pratiquer la lettre et développer l’esprit du pacte constitutionnel ; 3° rétablir les finances, reconstituer la force publique, la police et l’armée, et enfin, au milieu même des désastres qui venaient de frapper l’Italie sur le Mincio et sur l’Adige, nouer avec les gouvernemens constitutionnels de Florence, de Turin et de Naples une confédération destinée à unir entre eux les états italiens, à fixer leurs rapports commerciaux et politiques en temps de paix, à déterminer leurs contingens militaires en cas de guerre, et à préparer fortement pour l’avenir l’indépendance territoriale, encore une fois perdue, de la péninsule.

Ce n’étaient pas deux mois d’une administration naissante et, comme tout ce qui naît, faible encore et précaire, qu’il eût fallu à M. Rossi pour accomplir de tels desseins : c’étaient des années, des années de persévérance, de sagesse et de puissance. Néanmoins, à son immortel honneur, on peut dire que, durant le peu de temps que les factions le laissèrent vivre, il commença de telle sorte à animer tout autour de lui de l’esprit de la mâle politique qu’il avait conçue, que l’impartiale histoire est en doute de décider si cette politique, lui vivant, n’eût pas fini par triompher.

Ce furent les finances qui d’abord l’occupèrent ; elles étaient dans un délabrement extrême. Le préfet de police de la dernière administration n’avait rien trouvé de plus habile, pour remédier à la pénurie des ressources, que de prohiber la sortie de tous les métaux précieux du territoire des États de l’Église. M. Rossi, profitant de l’absence du parlement pour gouverner par décrets, rapporta cette puérile ordonnance, et, laissant là les expédiens de l’empirisme pour demander aux vrais principes de ces sciences économiques où il était si profondément versé le remède à la situation, il sollicita et eut l’art d’obtenir du clergé un impôt volontaire de i millions d’écus, payables en quinze paiemens, qui, avec les ressources produites par les larges économies qu’il se proposait de réaliser, devaient le mettre en état de satisfaire au service de la dette et d’équilibrer à peu près le budget. Dès la fin d’octobre, l’ordre était déjà assez rétabli pour qu’il crût pouvoir payer par anticipation à Paris les intérêts de l’emprunt Rothschild.

M. Rossi porta ensuite son attention sur l’armée. La réorganisation de la force publique était urgente : les clubs, de plus en plus violens,