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LES POPULATIONS OUVRIÈRES.

paiement peut avoir lieu en argent, si l’ouvrier le désire ; mais, pour faciliter aux ménages pauvres les moyens de se munir de linge dont ils manquent presque toujours, on a imaginé de payer aussi le travail avec des articles de lingerie qu’on cède à très bon marché. L’avantage d’un pareil arrangement a été si bien compris, que le salaire, sous cette seconde forme, est aujourd’hui généralement préféré.

Les associations qui cherchent à développer l’instruction parmi les classes ouvrières remplissent leur tâche, soit au moyen de quelques écoles destinées aux enfans ou aux adultes, soit au moyen de salles publiques de lecture ouvertes le dimanche, et qui possèdent plusieurs centaines de volumes en allemand ou en français. Une de ces salles, réservée exclusivement aux jeunes gens, est fréquentée par cinq ou six cents lecteurs. À ces institutions si ingénieuses et si actives, il s’en joint beaucoup d’autres qui, comme la Société de Saint-Vincent de Paul, la Société des Amis des pauvres, la Société de Charité, représentent, sous des faces diverses, l’esprit de la bienfaisance chrétienne en l’unissant à des pensées de moralisation sociale. Les souscriptions volontaires forment le fonds commun d’où ces différentes sociétés tirent leurs moyens d’action ; mais, outre ces contributions périodiques, on fait, pour des besoins accidentels qui se produisent dans la cité, de fréquens appels à la générosité particulière. On a obtenu de cette façon, dans ces derniers temps, 300 000 francs pour construire la nouvelle église catholique que réclame l’intérêt moral de la population. Un seul fabricant, M. Jean Dollfus, a donné 20 000 francs pour bâtir un lavoir public ouvert depuis plusieurs mois, et il s’est engagé à contribuer tout aussi largement à la construction de la maison-modèle pour le logement des familles ouvrières projetée par la Société industrielle. On a calculé qu’en 1850 et 1851 le total des souscriptions à des œuvres collectives intéressant le public touchait au chiffre de 500 000 francs.

L’initiative purement individuelle continue en sous-œuvre cette série d’efforts ininterrompus. Tantôt on lui doit des salles d’asile, dont une, par exemple, qui renferme à peu près trois cents enfans et comprend une école et un ouvroir, est alimentée par la libéralité aussi touchante qu’inépuisable d’une seule personne ; tantôt ce sont de petites classes, des écoles du soir ou du dimanche annexées à une fabrique ; ailleurs, une usine possède un lavoir et des bains gratuits ; ailleurs encore, on administre fort libéralement des caisses de secours pour les malades. Ici, une boulangerie attenant à nue usine procure un bénéfice net sur le prix ordinaire du pain ; là, pendant l’hiver, on distribue des soupes aux jeunes enfans employés dans les ateliers. Quelquefois des bibliothèques semblables à ces institutions connues en Angleterre sous le nom de Workmen’s libraries prêtent des livres à domicile. Il est une fabrique à laquelle on a attaché un homme de loi qui s’y rend une fois la semaine pour donner gratuitement des con-