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LES POPULATIONS OUVRIÈRES.

les avantages ou les désavantages des divers systèmes mis en pratique. Une fois saisie de ce travail préliminaire, la société se propose d’adopter des plans qu’elle rendra publics et de bâtir elle-même une maison modèle. Mêmes investigations en ce qui concerne les accidens occasionnés dans les manufactures par les appareils mécaniques. On cherche à se rendre compte des essais déjà tentés pour prévenir de semblables malheurs, puis on conseillera les précautions à prendre, et l’action morale suffira sans doute pour les faire adopter. Accomplie sur une échelle aussi large, l’œuvre de la Société industrielle constitue une mission d’une haute importance sociale et justifie avec éclat le titre qui lui a été conféré d’établissement d’utilité publique.

L’action très énergique des nombreuses associations privées qui s’occupent à Mulhouse du sort des classes laborieuses peut se ramener à trois objets : encourager la prévoyance, propager l’instruction, patroner et secourir la faiblesse et le malheur. Une institution de prévoyance d’un caractère tout-à-fait neuf, éclatant témoignage de la bonne volonté des manufacturiers envers les ouvriers qu’ils emploient, mérite surtout d’attirer les regards. Onze des premières maisons de la ville se sont entendues pour constituer une société dite Société d’encouragement à l’épargne, qui a pour but d’engager les ouvriers, au moyen d’une prime, à s’assurer par leurs propres économies une pension à la caisse publique des retraites, de créer et d’entretenir une maison de refuge pour les invalides de l’industrie, enfin de distribuer des secours temporaires aux anciens ouvriers dont les moyens d’existence sont reconnus insuffisans. Où la société puise-t-elle les ressources nécessaires à ses dépenses ? Comme elle ne demande aucune cotisation aux ouvriers qu’elle encourage, elle ne pouvait trouver ses moyens que dans la munificence des fondateurs de l’œuvre. Les onze fabricans dont les noms figurent dans l’acte social se sont engagés à verser, pendant vingt ans, une somme égale à 3 pour 100 de la totalité des salaires payés par eux[1]. Les deux tiers de cette mise importante sont affectés aux primes pour les dépôts faits à la caisse de retraites ; l’autre tiers, accru des contributions volontaires que l’on pourra recueillir, sert à l’entretien de la maison de refuge, à la distribution des secours à domicile et aux frais d’administration. À peine le projet conçu et les statuts rédigés, on s’est mis à l’œuvre avec la tenace résolution du caractère alsacien ; le terrain a été acheté ; un bel hôtel, dont nous avons pu apprécier l’habile appropriation, s’est élevé dans une des situations les plus salubres de la ville, et il est aujourd’hui sur le point de s’ouvrir. Les secours à domicile seront certainement moins lourds pour la Société d’encouragement que la pension dans cet asile,

  1. En 1851, la somme de ces versemens a été de 77 345 francs.