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LES POPULATIONS OUVRIÈRES.

se manifesta par des contributions abondantes, et les ressources semblèrent jaillir du sol comme par enchantement.

Collectifs ou individuels, les efforts ne se sont jamais arrêtés en face de nécessités réelles. Dans le domaine de l’action collective rentrent les œuvres dues à la municipalité, à une institution locale très connue sous le nom de Société industrielle, à différentes associations particulières et à des souscriptions publiquement organisées. Quant aux actes isolés, lorsqu’ils n’échappent pas par leur nature même à tous les regards, il faut les chercher dans les nombreuses créations intérieures des fabriques ou dans quelques témoignages de munificence individuelle, dont les exemples sur de pareilles proportions ne se rencontrent guère. Le mouvement des classes ouvrières à Mulhouse se trouve enveloppé par cet immense réseau de généreuses institutions qui s’adressent parfois directement aux intelligences et qui réagissent toujours plus ou moins sur l’état moral.

Quand on considère les créations municipales, l’école primaire apparaît sur le premier plan et prouve qu’on est entré résolûment dans la voie de l’instruction gratuite. Sur deux mille enfans qui fréquentent les classes, onze cents environ jouissent de bourses complètes ou partielles représentant une dépense de 22 000 francs. Mulhouse n’ayant qu’une seule et grande école communale pourvue d’une trentaine de maîtres ou institutrices et située au centre de la ville, on peut aisément aller passer en revue, à l’heure de l’entrée ou de la sortie des classes, toute la jeune population qui à ce moment-là encombre littéralement les rues voisines. Ces enfans sont convenablement vêtus, et leur physionomie atteste de la vigueur. Quels sont-ils pourtant ? d’où viennent-ils ? Un grand nombre appartient à des familles d’artisans et ne doivent pas aller travailler dans les manufactures ; les autres n’y vont pas encore, mais peut-être les retirera-t-on trop tôt de l’école pour les y conduire. Une fois qu’ils sont entrés dans les usines, quels que soient les louables efforts de plusieurs fabricans, l’instruction devient en général moins fructueuse. Aussi compte-t-on encore un assez bon nombre d’individus, même parmi les familles sédentaires, qui ne savent pas lire. Quant à la population roulante, il est bien difficile de faire arriver l’instruction primaire jusqu’à elle. Des écoles du dimanche et peut-être aussi des écoles du soir seraient le seul moyen de répandre quelques lueurs sur l’ignorance grossière où les ouvriers nomades restent souvent plongés. La ville alloue déjà une petite subvention et fournit un local à une école du dimanche. Dix ou douze salles d’asile, où commence la première éducation des enfans et dont profitent principalement les travailleurs des manufactures, sont aussi entretenues par le budget municipal et coûtent environ 6 000 francs[1].

  1. L’hôpital, qui comprend une maison d’orphelins et dépense à peu près 76 000 fr. par an, et le bureau de charité rentrent dans le cercle des institutions municipales ; mais les contributions de la bienfaisance privée figurent pour une somme importante dans les fonds affectés au bureau de charité. La construction de l’hospice actuel, vaste bâtiment merveilleusement approprié à sa destination, est même, au moins pour une partie, le résultat d’actes de munificence individuelle dus à M. André Kœchlin, alors maire, et à trois chefs des principales familles de Mulhouse, MM. Kœchlin père, Jean Zuber père et Jean Dollfus père.