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pouvait que se consacrer tout entier à la défense de l’autorité pontificale, de jour en jour plus compromise ; M. Mamiani ne pouvait que travailler à l’établissement et à la consolidation de l’influence laïque et libérale, dont il était le hardi représentant. Une rupture était inévitable. M. Mamiani la retard le plus qu’il put ; enfin un jour elle éclata. Le souverain pontife avait plusieurs fois déclaré qu’il ne pourrait tolérer plus long-temps la séparation du ministère des affaires étrangères en deux départemens. Vers la fin de juin, il s’en expliqua catégoriquement avec ses ministres. M. Mamiani répondit qu’il lui était impossible de céder sur un point aussi essentiel à la cause du laïcisme, et il offrit sa démission. L’impossibilité où l’on se trouva de former alors une nouvelle administration fut cause qu’elle ne fut pas acceptée ; mais de fait, après cet acte de résistance du saint père à la politique laïque et constitutionnelle, l’administration de M. Mamiani fut dissoute, et il revint plutôt à son rôle naturel de chef de l’opposition qu’il ne continua son rôle forcé et impossible de ministre constitutionnel du pape.

M. Mamiani tomba définitivement le 3 août, pour faire place à M. Rossi. Il avait gouverné ou paru gouverner trois mois, et son passage aux affaires ne semblait avoir eu pour but, que de démontrer la difficulté extrême, sinon la pleine impossibilité, d’accorder à Rome le libre exercice de la vie politique de la nation avec le maintien de la double souveraineté du prince. Il est vrai que M. Mamiani était un modéré hardi, et que beaucoup de personnes pensèrent, quand il se retira, que si le gouvernement constitutionnel avait si peu réussi entre ses mains, ce n’était pas qu’il fût impraticable, mais c’était ou qu’il ne savait pas le pratiquer ou qu’il en exagérait la pratique. Il est vrai que M. Mamiani avait embrassé dans son éclectisme politique des termes trop contraires pour ne pas se choquer, et que ç’avait été à lui une prétention énorme de rester tribun du peuple en devenant conseiller du pape ; il est vrai qu’odieux à la cour pontificale à cause de sa conduite passée et de ses opinions présentes, détesté des révolutionnaires à cause de sa haine du désordre, sans crédit près de la grande masse du parti modéré que ses accointances avec beaucoup d’hommes excessifs et la raideur systématique de ses principes effrayaient et éloignaient, il était de sa personne assez peu propre à sauver une cause aussi délicate que celle dont il s’était chargé ; il est vrai enfin que, bien qu’il eût longtemps médité sur les principes des gouvernemens, et qu’il eût bravé et souffert l’exil pour sa fidélité à ses opinions, il était extrêmement neuf aux affaires lorsqu’il y entra, et qu’à réformer un état lorsqu’on s’en mêle et à changer du jour au lendemain le système entier de ses institutions politiques, il ne faut être rien moins que neuf ; tout cela, dis-je, est parfaitement vrai. Cependant si M. Mamiani avait échoué dans sa tâche,