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ACTE DEUXIÈME


Vaste place devant un château qu’on aperçoit à droite. Sur la rampe, entourés d’officiers de la cour, de chevaliers et de dames, le duc et la duchesse sont assis sur deux trônes. Le duc est vieux et chétif ; la duchesse est une jeune femme dans tout l’éclat de sa luxuriante beauté. C’est tout-à-fait le portrait représenté par le miroir magique au premier acte. Il est remarquable qu’elle porte au pied gauche un soulier d’or.


Fête de cour. Grand luxe de décors. Représentation d’une pastorale dans le style du plus ancien rococo ; afféterie gracieuse et innocence galante. Cette doucereuse dansoterie arcadienne est interrompue par l’arrivée de Faust et de Méphistophéla, qui entrent en scène dans leur costume de danse, triomphalement escortés du corps de ballet infernal et au milieu de bruyantes fanfares. Tous deux, avec maintes pirouettes, font leur révérence au couple souverain. Surprise de Faust et de la duchesse ; l’un et l’autre, en s’examinant, semblent émus d’un tendre et mystérieux souvenir. Ils se reconnaissent et échangent des regards d’intelligence amoureuse. Le duc, de son côté, paraît agréer avec bienveillance les séduisans hommages de Méphistophéla. Un impétueux pas de deux dansé par elle et par Faust s’adresse surtout aux époux couronnés, et, tandis que le cortége infernal prend la place des danseurs, Méphistophéla vient cajoler le duc, et Faust conte fleurette à la duchesse. L’ardente passion de ces derniers a comme sa parodie dans la réserve affectée que Méphistophéla oppose ironiquement aux raides et anguleuses galanteries de son altesse sérénissime.

Enfin le duc, s’adressant au nécromancien baladin, lui demande un échantillon de sa magie blanche ; il désire voir David, roi de Juda et d’Israël, dansant devant l’arche sainte. Docile à cette volonté auguste, Faust saisit la baguette des mains de Méphistophéla, l’agité dans les airs en signe d’incantation évocatrice, et, de la terre qui s’ouvre, on voit sortir le groupe demandé. Sur un char traîné par les lévites apparaît l’arche sainte ; devant l’arche, le monarque hébreu dansant avec une gaieté folle et bouffonne, et grotesquement accoutré comme un roi de cartes ; derrière, les gardes royaux armés de lances et costumés en Juifs polonais : amples et longs cafetans de soie noire, têtes branlantes à barbes pointues, hauts bonnets de fourrure. Ces caricatures font spectateurs, le tour de la scène et disparaissent aux applaudissemens des spectateurs.

Encore un brillant pas de deux de Faust et de Méphistophéla. L’un et l’autre, redoublant d’agaceries, amorcent si bien le duc et la duchesse, que les deux époux, n’y résistant plus, quittent leurs trônes et prennent part à la danse du joyeux couple. Quadrille dramatique dans lequel Faust déploie toute son adresse pour enlacer la duchesse dans ses filets. À certain signe occulte qu’il découvre à son cou, il reconnaît en elle une sorcière ; il lui demande un rendez-vous au prochain sabbat. Effrayée, elle veut nier ; mais Faust désigne du doigt le soulier d’or, marque certaine qui révèle la domina, la fiancée en titre de Satan. D’un air pudibond, elle accorde enfin le rendez-vous. De leur côté, le duc et Méphistophéla font la contre-partie comique de cette scène, et bientôt les danseuses