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Devant un si redoutable accord, les Danois ne peuvent guère que se soumettre, malgré le désir qu’ils ont de voir les stipulations de Vienne soumises à de nouvelles négociations.

L’Allemagne poursuit d’ailleurs sur elle-même le travail de révision constitutionnelle qu’elle impose au Danemark. Depuis le congrès de Dresde, qui devait résoudre le grand problème de la réforme fédérale, et qui n’a réussi qu’à rétablir légalement le pacte de 1815, les gouvernemens allemands n’ont rien négligé pour revenir eux-mêmes individuellement, dans leur politique intérieure, aux principes d’avant 1848. Un des premiers efforts des petits états comme des grands fut de s’affranchir de ces Grundrechte ou droits fondamentaux que le parlement de Francfort avait prétendu donner pour base aux institutions particulières aussi bien qu’à la constitution fédérale, et qui n’avaient été nulle part adoptés de plein gré par les gouvernemens. Si le roi de Hanovre avait pu les repousser, les rois de Wurtemberg et de Saxe les avaient subis, ainsi que la plupart des petits états de la confédération. La diète, légalement reconstituée à Francfort en 1851, en a décrété la suppression par mesure générale, et depuis lors les petits états dont les constitutions avaient été réformées sous l’empire de la crise fédérale et d’après les Grundrechte, ont rivalisé de zèle pour rentrer dans leurs traditions. La chevalerie, l’ordre de la noblesse, qui s’étaient vus un moment submergés par la vague révolutionnaire, n’ont pas cessé de peser à la fois sur les gouvernemens et sur la diète fédérale, afin d’être remis dans la pleine jouissance de leurs privilèges politiques, administratifs et sociaux.

L’exemple de la Prusse est là pour encourager ces prétentions partout où elles n’ont point encore triomphé, car on sait que la mise en vigueur de la législation du li mars 1850 pour la réorganisation des institutions provinciales et municipales demeure indéfiniment ajournée devant l’opposition de la Ritterschaft.

On doit se rappeler qu’en jurant la constitution du 31 janvier 1850, le roi de Prusse, avec une franchise qui honore son caractère, a fait ses réserves ; il a indiqué clairement que la constitution était loin de lui paraître commode et parfaite, et il a exprimé l’espoir de la voir rentrer par des modifications successives dans les conditions vitales de l’existence de la Prusse. Ce sont peut-être ces souvenirs qui ont encouragé les divers projets de révision constitutionnelle qui se produisent aujourd’hui en Prusse de divers côtés. Par bonheur pour les partisans de la législation du 31 janvier 1850, leurs adversaires sont divisés. Auprès du parti des anciens états, c’est-à-dire de l’école historique et féodale, il y a, parmi les promoteurs des projets de révision, le parti bureaucratique. D’accord en beaucoup d’occasions pour combattre les constitutionnels, ces deux partis se séparent du moment où il s’agit de déterminer dans quel esprit la loi fondamentale devra être révisée. La centralisation absolue, à laquelle la bureaucratie aspire, n’est pas moins déplorable aux yeux du parti féodal que le système représentatif établi par la loi du 31 janvier 1850. En ce qui les touche, les bureaucrates, qui se sont prêtés en 1851 au rétablissement du moins provisoire des anciens états provinciaux, ne semblent point se soucier d’un retour pur et simple à la constitution historique de 1847 ; c’est ce qui explique la majorité notable qui a repoussé récemment une pétition adressée à la seconde chambre en faveur d’une révision dont le projet d’ailleurs mal défini et vague