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aujourd’hui n’était plus considéré que comme le représentant suprême d’un régime politique qui avait à jamais fait son temps.

Ici finit la première époque du pontificat de Pie IX, l’époque que j’ai appelée du nom de l’œuvre à laquelle elle fut consacrée et qui y périt, l’époque réformiste. Le saint père, durant tout le cours de cette période, avait vu ses généreuses intentions trahies par toutes personnes et par toutes choses : trahies par l’inexpérience de ses ministres, trahies par l’ingratitude et la maladresse des impatiens qui avaient abusé de cette inexpérience, trahies enfin par l’exaltation de l’esprit de ses sujets et la violence des événemens. Il est hors de doute que cette époque aurait pu autrement finir que par une révolution, il est hors de doute que le saint père aurait pu réformer l’administration de ses états sans s’exposer à voir sa puissance politique bouleversée ; mais pour cela il eût fallu que le saint père, dès le commencement de son règne, trouvât l’homme qu’il cherchait toujours et qui jusque-là lui avait manqué, un grand ministre. L’allait-il trouver enfin dans l’époque nouvelle, et autrement difficile encore que la première, qui commençait, et le gouvernement constitutionnel à Rome devait-il avoir plus de succès que n’en avait eu l’entreprise de la réforme administrative ? Non. Et pourquoi ce nouvel et déplorable échec de la cause de la liberté ? C’est ce que l’histoire encore va d’elle-même nous apprendre.

L’ère réformatrice ouverte en 1846 par l’amnistie avait duré près de deux ans ; l’ère constitutionnelle ouverte par l’octroi de la charte de 1848 dura moins de neuf mois. Trois ministères se succédèrent et échouèrent successivement durant cette courte période : l’un devant l’ardeur croissante des esprits, des choses et des temps, l’autre devant sa propre impuissance à concilier l’autorité spirituelle du saint-siège qu’il voulait sauver avec le système politique nouveau promulgué par la charte, et qu’il entendait plutôt élargir qu’abandonner ; le dernier enfin, devant l’assassinat. Le cardinal Antonelli, chef du premier de ces cabinets, garda le pouvoir deux mois, depuis le 10 mars jusqu’au 4 mai ; M. Mamiani, l’homme le plus important du second, ne résista qu’un mois de plus, du 4 mai au 2 août ; M. Rossi enfin trouva la mort sous le poignard d’un assassin après deux mois seulement, du 16 septembre au 15 novembre, d’exercice de ses fonctions. Ces trois personnages furent chacun, à des degrés divers, supérieurs à tous les ministres qui s’étaient succédé à Rome durant la première période ; mais, quelque supériorité relative et personnelle qu’ils eussent et qu’ils montrassent, la difficulté des temps où ils gouvernèrent et de la tâche qu’ils eurent à remplir était tellement au-dessus de tout ce qu’on avait vu jusqu’alors, que leur impuissance à réussir est moins faite.pour exciter le blâme que leur courage à entreprendre n’est fait pour mériter l’éloge. Ils luttèrent avec loyauté, énergie et lumières, chacun