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Les innombrables tribus composant le monde barbare pouvaient se grouper en trois grandes races ou familles de peuples qui habitent encore généralement les mêmes contrées. C’étaient d’abord, en partant du midi, la famille des peuples germains ou teutons, ensuite celle des peuples slaves, et enfin à l’extrême nord, surtout au nord-est, où on la voyait pour ainsi dire à cheval entre l’Europe et l’Asie, la famille des peuples appelés par les Germains Fenn ou Finn, Finnois, mais qui ne se reconnaissent pas eux-mêmes d’autre nom générique que Suomi, les hommes du pays. Dessinés autrefois, avec assez de régularité, par zones transversales se dirigeant du sud-est au nord-est, les domaines de ces trois familles s’étaient mêlés depuis lors et se mêlaient chaque jour davantage par l’effet des migrations et des guerres de conquête. Au IVe siècle, le Germain occupait, outre la presqu’île scandinave et la partie du continent voisine de l’Océan et du Rhin ; la rive gauche du Danube dans toute sa longueur, puis les plaines de la mer Noire jusqu’au Tanaïs ou Don, enserrant, comme dans les branches d’un étau, le Slave dépossédé d’une moitié de son patrimoine. Les nations finnoises, fort espacées à l’ouest et au nord, mais nombreuses et compactes à l’est autour du Volga et des monts Ourals, exerçaient sur le Germain et le Slave une pression dont le poids se faisait déjà sentir à l’empire romain. Une taille élancée et souple, un teint blanc, des cheveux blonds ou châtains, des traits droits, dénotaient dans le Slave et le Germain une parenté originelle avec les races du midi de l’Europe, et leurs idiomes, quoique formant des langues bien séparées, se rattachaient pourtant à la souche commune des idiomes indo-européens. Au contraire, le Finnois trapu, au teint basané, au nez plat, aux pommettes saillantes, aux yeux obliques, portait le type des races de l’Asie septentrionale, dont il paraissait être un dernier rameau, et auxquelles il se rattachait par son langage. Quant à l’état social, le Germain, mêlé depuis quatre siècles aux événemens de la Romanie, entrait dans une période de demi-civilisation, et semblait destiné à jouer plus tard le rôle de civilisateur vis-à-vis des deux autres races barbares. Le Slave, sans lien national, et toujours courbé sous des maîtres étrangers, vivait d’une vie abjecte et misérable, et le jour où il devait se montrer à l’Europe était encore loin de se lever, — tandis que le Finnois, en contact avec les nomades féroces de l’Asie, engagé dans leurs guerres, soumis à leur action, se retrempait incessamment aux sources d’une barbarie devant laquelle toute barbarie européenne s’effaçait.

Quelques mots de Tacite nous révèlent seuls l’existence des nations finniques dans le nord de l’Europe antérieurement au Ive siècle ; elles y vivaient dans un état voisin de la vie sauvage, et nous ne connaissons que par les poésies mythiques du Kalewala et de l’Edda leurs luttes acharnées contre les populations scandinaves. A. l’est, leur nom