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doute, mais il semble quelquefois dur d’être raisonnable dans le désert et de marchander quand il s’agit de vivres après lesquels on doit courir pendant deux jours, en s’exposant comme cette fois à n’en pas trouver. Il fallut faire contre fortune bon cœur et remercier même le scheikh des Tâàmera de l’intérêt tout particulier qu’il prenait au bon emploi de nos finances.

À notre arrivée, Abou-Daouk, après le salut et les complimens d’usage, nous avait priés d’expédier promptement notre déjeuner, afin de pouvoir gagner avant la nuit le point où nous devions camper. Nous ne nous le fîmes pas répéter, et, mangeant les morceaux doubles, nous fûmes bientôt prêts à monter à cheval. J’avoue que pour ma part ce fut avec un vif sentiment de bien-être que je me retrouvai en selle, et que ce qui en toute autre occasion m’eût paru un exercice fatigant, après la course de Masada et malgré la nécessité de continuer ma carte du pays, me sembla le plus voluptueux des repos.

Les ruines de Masada, célèbres à juste titre, n’ont pas été souvent visitées par les Européens. MM. Robinson et Smith, qui les premiers ont identifié d’instinct Sebbeh avec Masada, n’ont vu cette localité que des hauteurs d’Ayn-Djedy, c’est-à-dire qu’ils n’ont pu contempler que de quelques lieues le profil de la montagne sur laquelle existait Masada. C’est donc d’après les rapports des Arabes qu’ils ont émis avec une admirable perspicacité une opinion que l’inspection de la localité et des ruines qu’elle renferme devait vérifier de la manière la plus évidente. Leur exploration est du vendredi 11 mai 1838. Quatre années plus tard, du 12 au 15 mars 1842, M. Wolcott, missionnaire américain, et M. Tipping, peintre anglais, escaladèrent les premiers le plateau de Masada et vérifièrent l’exactitude de la supposition admise par MM. Robinson et Smith. M. Robinson, dans le livre intitulé : The Biblical Cabinet[1], a publié textuellement deux lettres intéressantes écrites, l’une de Sebbeh, l’autre de Jérusalem, par M. Wolcott, et dans lesquelles ce zélé voyageur donne avec assez de détails le récit de sa course à Masada. Il a parfaitement observé les lieux, reconnu les différens édifices mentionnés par Josèphe et les travaux de siège construits par Sylva. Pour M. Wolcott, toutes les constructions qui se voient encore à Masada sont de la même époque, c’est-à-dire du temps d’Hérode ; mais la porte ogivale qui servait d’entrée à la ville est une ruine moderne. La présence d’une ruine moderne à Masada offrirait certes un fait bien plus extraordinaire que celui de l’emploi de l’arc ogival dans des édifices construits par Hérode. Quant à la forteresse de Jonathas, elle me paraît très nettement reconnaissable ; mais des appréciations plus ou moins exactes n’enlèveront point à M. Wolcott le mérite d’avoir le

  1. Vol. XLIII, p. 67 et suivantes.