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quand la nuit fut venue, se ruèrent avec le moins de bruit possible sur tout ce qui leur faisait obstacle, et vinrent fondre sur la petite ville d’Engaddi. Les habitans, surpris sans avoir le temps de se mettre en défense, furent dispersés et rejetés hors de la ville. Tout ce qui ne put fuir, hommes, femmes et enfans, au nombre de plus de sept cents, fut passé au fil de l’épée. Ayant alors pillé les maisons et les jardins remplis de fruits mûrs, ils retournèrent en hâte avec leur butin à Masada. Ils continuèrent ensuite à ravager les bourgades des environs, en se recrutant journellement de tous les bandits qui ne pouvaient plus vivre ailleurs. »

Peu de temps après, Simon, fils de Gioras, qui, à cause de son audace, avait été dépouillé de la toparchie de l’Acrabatène par le grand-prêtre Ananus, s’échappa de Jérusalem, placée sous la tyrannie de Jean, et vint demander un asile aux sicaires de Masada. D’abord Simon parut suspect à ceux-ci, et on lui assigna pour demeure la ville basse, où il se fixa avec les femmes qui l’avaient suivi, les sicaires restant exclusivement maîtres de toute la ville haute. Bientôt cependant la part que Simon prenait à toutes leurs expéditions lui valut leur confiance, quoiqu’ils résistassent aux conseils qu’il leur donnait de frapper de plus grands coups. Ce Simon finit par se créer une armée à lui, et, se séparant des habitans de Masada, il alla de son côté faire des incursions dans la Judée entière. Appelé à Jérusalem par le peuple, ce fut lui qui coopéra le plus activement à la défense de la ville contre les Romains ; mais, ayant été fait prisonnier, Simon fut conduit à Rome, où il figura dans le triomphe décerné à Titus. Le dernier acte de cette cérémonie fut la mise à mort du héros juif.

Jérusalem et Machoeros avaient succombé ; il ne restait plus aux Juifs qu’une seule place forte, Masada, et les Romains résolurent d’anéantir, à quelque prix que ce fût, ce foyer d’insurrection. Bassus, préfet de la Judée, était mort, et Flavius Sylva lui avait succédé : sa première pensée fut de marcher contre Masada. Celui qui commandait alors dans la place était un homme éminent et brave, Éléazar, de la tribu de Juda, qui avait poussé à la rébellion bon nombre de Juifs, lorsque le censeur Quirinius avait été envoyé en Judée. Une fois sous les ordres d’Éléazar, les sicaires avaient traité en ennemis ceux de leurs compatriotes qui avaient plié sous le joug romain, pillant et enlevant leurs biens, incendiant leurs maisons. Ils prétendaient, pour légitimer leurs brigandages, qu’il n’y avait pas de différence entre les étrangers et les Juifs dégénérés qui avaient trahi la cause de la patrie, et qui avaient été assez lâches pour se faire de leur plein gré les esclaves des Romains ; « mais c’était là un vain prétexte, ajoute Josèphe, et ils ne tenaient ces discours que pour déguiser leur cruauté et leur cupidité. » Sylva résolut d’écraser ce qui n’était pour lui que le dernier asile de