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fait du Chili la première des républiques américaines, vînt échouer devant quelques misérables échauffourées de révolutionnaires, qui n’ont pas même le mérite de la spontanéité et de l’originalité dans leurs passions anarchiques.

Au milieu de ces jeunes états de l’Amérique du Sud, l’histoire des républiques de la Plata a un caractère à part, en raison des complications extérieures qui s’y mêlent. Nous avons plus d’une fois appelé l’attention de nos lecteurs sur cette étrange histoire, dans laquelle la France a malheureusement son rôle depuis quinze ans ; il ne paraît pas que nous soyons au bout. Chose bizarre dans cette question : quand les complications extérieures semblent à grand’peine près de se dénouer, les difficultés renaissent par le côté intérieur, et perpétuent une confusion au sein de laquelle il est aussi difficile de reconnaître la vérité sur la situation de ces états rivaux que de discerner l’intérêt de la France, compromis dans ce conflit de prétentions opposées. L’an dernier, on s’en souvient sans doute, un double traité avait été signé par M. l’amiral Leprédour avec le chef de la Confédération Argentine, le général Rosas, et son allié, le général Oribe, qui assiégeait Montevideo, revendiquant le titre de président légal de la République Orientale : ce traité ne fut point approuvé alors par l’assemblée législative française, et, il y a quelques mois, quand, après quelques modifications, il était très probablement sur le point d’être ratifié, la situation avait complètement changé de face sur les bords de la Plata. Dans l’intervalle, le général Urquiza, gouverneur d’une des provinces de la Confédération Argentine, l’Entre-Rios, avait secoué l’autorité de Rosas et avait pris parti pour le gouvernement de Montevideo, près de succomber devant les armes d’Oribe. De concert avec le général Garzon, nommé commandant en chef de l’armée orientale par le gouvernement montévidéen, il avait réduit Oribe lui-même à capituler. En ce moment, appuyé sur ses récens alliés les Orientaux, le général Urquiza paraît s’occuper à faire passer une armée sur la rive droite de la Plata pour attaquer Rosas sur son territoire même, et le détruire, s’il peut. Son ambition est assez transparente : c’est celle de se mettre à la place du chef de la Confédération Argentine. Urquiza réussira-t-il ? Sans rien préjuger, il est fort permis d’en douter. Ce n’est pas la première fois que l’habile et vigoureux dictateur argentin a été attaqué sur le sol même de la Confédération, et qu’il a triomphé de ses ennemis. On peut se souvenir du sort du malheureux général Lavalle, qui avait eu cependant un moment à sa disposition les vaisseaux et même l’argent de la France. Quoi qu’il en soit, c’est évidemment ici une phase nouvelle de la question de la Plata. Ce qui caractérise au surplus cette nouvelle phase, c’est moins encore la tentative du général Urquiza que l’intervention décidée, officielle du Brésil, qui s’est manifestée déjà par des actes importans. Non-seulement les vaisseaux et l’argent brésiliens secondent dans la Plata l’expédition d’Urquiza, non-seulement les troupes de l’empire ont coopéré à l’expulsion d’Oribe, mais encore le Brésil a signé avec le gouvernement montévidéen trois traités assez graves : l’un de délimitation, l’autre d’alliance offensive et défensive, le dernier de commerce et de navigation. Or, sans vouloir montrer trop de sévérité à l’égard de ces traités, il est impossible de ne point remarquer que le premier concède une portion du territoire oriental au Brésil, que le second lui défère un droit d’occupation militaire qui peut devenir périlleux, et que le troisième semble destiné à couvrir les stipulations précédentes par la proclamation de principes très libéraux en