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tour dans la balance des intérêts européens. Jusqu’à présent, ils étaient restés un état strictement américain, et, sauf leur commerce, ils ne comptaient que pour l’Amérique toute seule. Maintenant ils inquiètent la politique européenne, ils s’insinuent dans les affaires de notre continent, ils engagent des luttes et lancent des défis, en attendant qu’ils lancent la guerre. L’expédition de Cuba et les ovations décernées à Kossuth, ce sont là les deux faits par lesquels ils.sont entrés sur la scène générale du monde. Nous aurions souhaité que ce fût par d’autres actions qu’ils se fussent ainsi révélés à l’univers ; mais aujourd’hui il n’est plus temps : ils sont sinon engagés, du moins compromis dans les intérêts de l’Europe. Ils le sentiront peut-être bientôt, peut-être l’ont-ils senti déjà en voyant les ambassadeurs de toutes les grandes puissances se tenir froidement à l’écart, et les ministres d’Autriche et de Russie, le chevalier Huselmann et M. Bodisco, annoncer qu’ils prendraient leurs passeports, si la réception votée par le congrès à Kossuth avait lieu.

En ce moment, ils se livrent à mille fanfaronnades. « L’Autriche nous menace de briser ses relations avec nous, s’écriait récemment au sein du sénat M. Hale, le free soiler ; eh bien ! tant mieux ! nous déclarerons par un décret que la Hongrie fait partie des États-Unis. » Les journaux ne respirent que guerre. « Nous devons prendre part aux prochaines révolutions européennes, s’écrient-ils, nous nous chargerons de la mer ! » Les propositions les plus folles sont faites au sein du congrès. Depuis l’arrivée du proscrit hongrois, les Américains ont été pris comme d’une fièvre de sympathie pour tous les exilés et tous les captifs de la terre : c’est toujours l’histoire des sympathiseurs de Cuba, c’est toujours l’échauffement de l’esprit exalté d’orgueil et de désirs mis au service de l’ambition nationale et de la cupidité politique. M. Foote a déposé un projet tendant à prier la reine d’Angleterre de permettre au gouvernement de l’Union de recevoir Smith O’Brien et les autres déportés irlandais. Il n’est pas jusqu’à lord Londonderry qui ne fasse des imitateurs, et M. Hale s’est déclaré récemment admirateur passionné d’Abd-el-Kader. Deux faits surtout dépassent en importance tous ces caprices et toutes ces violences : le premier, c’est le discours de M. Walker, sénateur du Wisconsin, le même M. Walker que Kossuth proposait récemment aux États-Unis comme candidat à la présidence. Au bout de ce discours se trouve un projet de décret qui tend à engager pour l’avenir la politique de l’Union. D’après ce décret, sur lequel le sénat ne s’est pas encore prononcé, les États-Unis déclareraient à tous les gouvernemens de la terre que toute insurrection a leurs sympathies, que tout peuple tendant à établir chez lui la forme républicaine aura leur protection. Le second fait, c’est le discours du général Cass contre l’Autriche, discours où il a surpassé en violences toutes ses diatribes de 1850. Or, si l’on songe que le général Cass a des chances nombreuses pour la future présidence, on comprendra l’importance qu’acquièrent ses paroles. Qu’adviendra-t-il donc, si, comme cela est probable, le pouvoir échappe aux whigs ?

Et il leur échappe. L’illustre Henri Clay se retire décidément de la vie politique ; et il a donné sa démission de sénateur. Lorsque lui, Henri Clay, et Daniel Webster, tous deux septuagénaires, seront descendus dans la tombe, c’en sera fait de la politique traditionnelle des États-Unis, de la politique de Washington, de Franklin et d’Adams. Le pouvoir passera à des hommes de