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de même qu’ils savent, sous tous les régimes, mettre au-dessus de tout la loi première de la conservation sociale. C’est au gouvernement piémontais de marcher dans cette voie, sans craindre beaucoup d’être taxé de réaction. Il n’a point le goût des alliances révolutionnaires, et il doit d’autant moins l’avoir aujourd’hui que de toutes parts éclatent avec plus de puissance et la stérilité des révolutions et les tristes résultats de leurs solidarités.

Nous annoncions récemment la suspension des cortès en Espagne. Il ne parait pas que le terme de cette suspension soit fixé encore, ni même qu’il doive l’être de si tôt. On attribue, au contraire, au chef du cabinet espagnol, à M. Bravo Murillo, l’intention qu’il aurait exprimée dans une occasion récente de ne point faire cesser cet ajournement tant que les circonstances générales de l’Europe n’auront point changé. En attendant, le cabinet de Madrid gouverne par décrets et assume l’initiative des grandes mesures d’intérêt public. C’est ainsi qu’il a récemment promulgué de nouvelles modifications des tarifs de douanes qui font faire à l’Espagne un pas de plus dans la voie économique où l’avait déjà introduite la réforme de 1849. Il concède de grandes lignes de chemins de fer ; il prépare, assure-t-on, d’autres réformes économiques et administratives auxquelles il procéderait successivement. Ces diverses mesures, d’ailleurs, sont décrétées, sauf à en rendre compte aux cortès, suivant la formule habituelle. Le budget de 1852 a été publié et rendu exécutoire de la même manière. Ce n’est pas sans éveiller quelque susceptibilité dans les partis, et surtout naturellement chez les progressistes, que le gouvernement espagnol a pu agir ainsi ; mais le mouvement que s’est donné ce dernier parti n’a guère servi, à ce qu’il semble, qu’à manifester une fois de plus son impuissance. Il y a eu quelques réunions de sénateurs et de députés progressistes, où toutes sortes de questions ont été agitées, depuis celle d’une démission collective jusqu’à celle d’une manifestation qui serait portée à la reine, espèce de compte-rendu de la situation politique. L’idée de la démission n’a point eu beaucoup de succès, puisqu’un seul député s’est résolu à cette extrémité ; celle du compte-rendu n’en a pas eu davantage, les sénateurs objectant que, si une accusation devait être dirigée plus tard contre le cabinet, ils ne pouvaient se prononcer d’avance sur une question où ils auraient à opiner comme juges, et finalement sénateurs et députés se sont séparés sans prendre de résolution, ce qui était probablement la meilleure qu’ils pussent prendre dans l’état actuel des choses. Il ne paraît pas que le parti modéré ait ressenti les mêmes émotions. Au fond, d’ailleurs, il faut bien le dire, la situation présente n’est point de celles qui pourraient se perpétuer. Une réunion prochaine des cortès n’est ni probable, ni possible peut-être dans l’état de morcellement et de division où sont tombés les partis en Espagne. Un ajournement indéfini ne serait point une solution réelle. C’est très probablement la dissolution du parlement qui prévaudra dans les conseils de la reine Isabelle. À ce projet d’une dissolution se rattacherait même, selon certains bruits, l’idée d’une réforme possible de la constitution espagnole dans un sens plus complètement monarchique. Nous ne nous faisons point, on le comprend, les garans de tels bruits, qui sont peut-être prématurés, — d’autant plus qu’ici s’élèverait une autre question, celle de savoir par qui une proposition de ce genre devrait être faite et soutenue. Quoi qu’il en soit, jusqu’ici le cabinet actuel ne semble pas