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pensée qui circule dans cette vaste série, je n’hésite pas à dire qu’elle prouve chez M. Chenavard une connaissance profonde de l’histoire et la notion précise des conditions qui régissent la peinture. Il sait tous les momens importuns, toutes les journées mémorables de la biographie humaine, et ne sait pas moins nettement à quelles conditions est soumise la représentation de ces journées. Il pense comme s’il avait à raconter le développement de la raison, et lorsqu’il s’agit de retracer sur la toile le récit des historiens, il se renferme prudemment dans les données de la peinture. Que les esprits chagrins pour qui le blâme est une joie reprochent à M. Chenavard de n’avoir pas apporté dans l’expression de sa pensée toute la délicatesse, toute l’exactitude qui recommandent les compositions murales de l’Italie : je ne veux pas m’associer à cette injustice. Je n’oublie pas que ces cartons tracés au fusin ne sont pas faits pour être examinés à la loupe. Ils devaient décorer les murs du Panthéon, et, quelle que soit la destination qu’ils recevront, j’ai la ferme confiance que les juges les plus sévères y trouveront l’expression d’une pensée forte et vraie alliée à l’imagination la plus ingénieuse. Familiarisés avec les difficultés de l’art, ils ne chicaneront pas l’auteur sur les fautes qu’il a pu commettre et lui tiendront compte de la sagacité, de la variété, de la souplesse qu’il a montrées dans l’accomplissement de cette difficile entreprise. Le succès réservé à ces cartons n’est donc pas douteux, et j’espère que les applaudissemens légitimes recueillis par M. Chenavard décideront l’administration à les placer dans une des salles du Louvre, en attendant qu’ils reçoivent une destination définitive.


GUSTAVE PLANCHE.